Parfois, votre attention est retenue par une chose insignifiante. Il peut s’agir d’un papier froissé, d’une boite de soda écrasée, du goudron qui vient d’être fondu. Anthony Epes fonctionne un peu de cette façon. Les critiques disent de lui que c’est un type solitaire qui marche le matin dans les villes. Le moment est assez propice à ce type de découverte. Les humains dorment encore, la rue appartient aux ombres et aux personnages fictifs.
Parfois, la photographie est comme la peinture qui contourne la forme et la couleur, pour chercher derrière le motif ce que l’objet dévient, ce qu’il cache, ce qu’il aspire à devenir. Une boite froissée n’est rien d’autre qu’un détritus que les travailleurs mettront dans une benne. Mais sous l’objectif, une fraction d’éternité, les objets dégradés se réinventent. Ce bonhomme tracé sur le goudron, peinture blanche sur fond noir, devient le personnage d’une histoire muette, solitaire et nécessaire. Tout comme ces coulures de lumière qui n’en sont pas, hydrocarbures, prisons d’ambres sombre, qui contiennent la mémoire de la ville. Il travaille ainsi de la même manière que ces peintres dans une toile qui fonctionne sur plusieurs temporalités. La ville est souterraine, elle vit dans des creux, à l’intérieur d’elle-même, elle enfante ses mots. C’est juste avant l’aube, dans la clarté fragile, l’illusion du renouveau.
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RC (ZO mag’)
Photos : © Anthony Epes
Anthony Epes : « Concrete Alibi », jusqu’au 25 juin. Exposition en ligne sur : https://albumen-gallery.com/exhibitions/concrete-alibi/
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