La peinture de Shiferaw engage souvent une discussion politique. Le peintre éthiopien est un homme qui n’accepte pas la marche inique de ce monde. Son pays dans la guerre, le mutisme et l’indifférence occidentale, la loi capitaliste pour seule logique, fournissent à ses toiles un propos sans ambiguïté. Que cette infamie cesse ! Que cette hypocrisie s’arrête. On garde pour souvenir, l’an dernier, sa série brutale sur la guerre, « Obliterated childhood, »peinte à la façon d’un Warhol expressionniste et chargée du même rejet, qu’il s’agisse du temps actuel ou de l’Amérique naufragée des années 70. Rejet de la violence et de l’intolérance, rejet de cette humanité incapable d’accepter la différence, détentrice de la certitude blanche et consumériste.

Quelques mois plus tard, « We’re one » fonctionne à la manière d’un manifeste hybride. Il s’agit d’un homme noir debout et massif, comme le peintre les dessine, d’un bloc. Mais il affiche en même temps une identité double, qu’habitent deux couleurs, une dualité qui n’est pas seulement celle de la peau, mais du genre, tant la féminité de son geste laisse supposer qu’une femme vit en lui et entretient le dialogue. Ce personnage tient donc une conversation entre ce qu’il est et ce qu’il pourrait être, entre lui et le monde. Nous avons besoin de ce genre de dialogue, de le ressentir comme une possibilité salvatrice.
Qu’il nous pardonne, « We are one » n’est pas le bon titre en fait. Parce que le pluriel est la seule langue qu’il articule. Pluriel de la couleur, du genre, pluriel de la langue et sur ces tropiques changeants, l’arc-en-ciel, l’immense passerelle !
We are one, acrylique sur toile, 0, 80 × 1, 20 m (2022).
RC (ZO mag’)
Photos : © Dereje Shiferaw
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