Couleurs baroques et grands formats se taillent une place centrale parmi les photographes contemporains africains. Les deux références que sont Marc Posso et Omar Victor Diop ne doivent pourtant faire oublier que l’image peut être profondément à l’écoute sociale. En ce sens qu’elle accroche à son mur des réalités souvent rugueuses, voire dramatiques. Mario Macilau (Mozambique), Raul Canibano (Cuba), Mohamed Ouedraogo et ses enfants tailleurs de pierre s’inscrivent dans cette veine. De la même façon, Aurélie Jocelyne Tiffy (Côte d’Ivoire) qui s’attache au monde du travail. Cette jeune photographe (26 ans) vient ainsi de produire un travail singulier sur les abattoirs de Grand Bassam. Les qualificatifs sont superflus, les images des mains et des visages suffisent.


Dans son press-book, Aurélie explique son goût pour les gros plans. Des photos plus anciennes s’étaient ainsi attardées sur les regards. Ici, ce sont les mains et les pieds qui retiennent son attention. On retrouve ici des similitudes avec les images de Ly la Gazelle (Côte d’Ivoire/Autriche), laquelle cherche à montrer « les gens invisibles » et s’attardent souvent à leurs mains. Une main est un révélateur d’âme et de vie. Elle dit beaucoup de chose sur le quotidien de la personne. Et ce sont justement ces confidences que le travail sur l’abattoir vient épingler.
Ces premiers éléments laissent donc à penser qu’il s’agirait de photojournalisme, plus que d’une création artistique. C’est inexact. Aurélie Jocelyne alterne des images témoins, et la dureté de celles-ci est quasi journalistique. Mais en même temps le travail de la couleur (viande, outils, détails de la peau…) sont ceux d’une peintre attachée à une figuration très précise et une composition proche de celle d’un tableau. Les scènes de découpe notamment montrent une extrême dureté, quasiment expressionniste. L’intérêt de son travail tient donc à ces attaches multiples, sans omettre son talent réel au portrait. Il y a dans un travail précédent le portrait d’un homme, le visage baigné de sueur. Le regard est assez terrible, suspendu, harassé de fatigue. Un visage « cru », dans son exacte vérité.
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RC (ZO mag’)
Photos: Aurélie Jocelyne Tiffy
Repères
Aurélie Jocelyne Tiffy (Toh Grah Aurélie Jocelyne Juliette) est née en 1996 à Aboisso (Côte d’Ivoire). Elle a grandit au village d’ Ayamé (136 km d’Abidjan). Ses premières études l’ont conduite à un diplôme de gestion comptable. En parallèle, sa passion de la photo l’amène à poursuivre à l’Ecole des Spécialistes Multimédia d’Abidjan (ESMA) où elle obtient un brevet de technicien supérieur (2017). En janvier 2019, elle obtient son diplôme de graphiste en post-production dans cette même école.
Expositions collectives:
2022: Projet en cours, « Les lames de mon âme ».
2020: Exposition à la fondation Donwahi.
Novembre 2019 / janvier 2020: Biennale africaine de la photographie / les Rencontres de Bamako. Photographe exposant OFF.
2018: 6ème Biennale internationale des Arts naïfs d’Abidjan (Côte d’Ivoire).
13ème Biennale DAK’ART. Photographe exposant OFF.
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