Quel besoin d’utiliser des mots compliqués ? La barque est une barque. Dominique Zinkpé l’explique ainsi et de façon très tangible. Il dit qu’on l’utilise pour le transport, pour la pêche et pour le déplacement entre les deux berges. Ici, c’est une pirogue, et ailleurs c’est un âne attelé à une petite charrette. La barque appartient au quotidien. Et de rappeler l’existence d’une ville au Bénin, bâtie sur les eaux, où l’on circule ainsi, pour aller d’une maison ou d’un champ à l’autre.


Dominique Zinkpé et Marcel Nangbé sont pendant trois mois à la fondation Montresso pour construire des barques. C’est un long travail que celui-ci. Donc, le peintre s’associe à Marcel, avec lequel il travaille depuis dix ans. Cet assemblage consiste revêtir des portions de pirogues anciennes avec des figures béninoises, les ibeji, petits personnages protecteurs qui deviendront au final la barque elle-même. Laquelle sert à circuler au travers la vie, à emporter l’homme d’une berge à une autre, et bien sûr de transporter le mil et le manioc.
Des milliers de petits fétiches, sur le corps de la barque qui revient à la vie.
« Ces pirogues ont un vécu. Aujourd’hui, elles sont en fin de vie, mais elles ont beaucoup circulé. La barque, c’est un peu ça, on monte dedans, on fait un voyage ensemble. Elle a une forme accueillante, protectrice, » explique Zinkpè. C’est étrange, mais il arrive un moment où la pirogue prend une apparence humaine. Maternelle. A la fois déesse et vêtement. Elle est le corps qui transporte la multitude de figurines dont elle est faite, et qui sont aussi son âme. Zinkpè sourit, « Moi, je ne sais pas. Il faudrait demander aux peuples des pêcheurs. Ils ont sûrement beaucoup de choses à raconter. » Derrière, à petits coups de marteau, Marcel colle et cloue un grand nombre, des centaines, de petits personnages, sur le corps de la barque qui revient à la vie.

Marcel Nangbé est lui-même sculpteur et il vient ici, au Maroc, travailler dans l’atelier de son grand frère. Il faut une grande patience pour faire cet assemblage et suivre le mouvement nécessaire à cet embarquement. « J’aime beaucoup, dit-il, même si ça m’emmène à une sorte de folie. Les idées n’arrêtent de venir de partout, ça réveille beaucoup d’envies de faire, beaucoup d’histoires que je commence à penser. » Dans son travail à venir, Marcel va parler des choses invisibles que sa sculpture rend réelles. C’est un peu comme la barque en somme, qui est un moyen de locomotion, la meilleure façon de transporter les choses d’un rivage à un autre. De faire venir du monde invisible à la réalité, les choses qu’on ne voit pas. Une simple barque.
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RC (ZO mag’)
Photos: ©roger calmé
Résidence Fondation Montresso, Jardin rouge.
Dominique ZINKPE – Montresso
Transport, ce qui relie, qui fait lien d’une rive à l’autre, qui achemine, qui donc nourrit et protège. Merci, ZO.
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