La conviction que l’art est utile, humainement utile, traverse tout le travail de Nicole Rafiki. Même si la phrase est bien courte et que les mots puissent prêter à confusion, cette artiste congolaise, établie en Norvège, les remet vite à leur place. Quand elle parle de cette utilité, il s’agit de sa capacité à réparer, à consoler, à apaiser, à partager, à (r)éveiller, à remettre dans cette perspective que l’Afrique lui a toujours donnée. L’art n’est pas une construction ex-nihilo, sortie de nulle part, il traduit l’attachement et la réciprocité. Nous sommes attachés les uns aux autres, nous sommes dépendants de ce lien, nous devons en prendre soin. Mettez maintenant les mots et les espaces qui vous conviennent.

« Je ne peux pas dire s’il y avait un artiste visuel qui était un corps féminin noir travaillant dans le domaine de l’art norvégien il y a cinquante ou trente ans. » Nicole Rafiki
En 2013, Nicole Rafiki commence par mettre sur pied Rafik Arts Initiatives (RAI). Cette organisation a pour ambition d’offrir à de jeunes artistes issus de milieux défavorisés, des lieux où s’exprimer. Quatre ans plus tard, elle lance un journal (imprimé) Yppé, qui associe des artistes, des citoyens, autour de ces idées et de projets. Suite au confinement, le périodique (deux N° annuels) a été mis en ligne l’an dernier. C’est une structure très fluide et qui peut apporter à des gens sous-représentés, (in)visibles dans un pays comme la Norvège, un « lieu » de clarté.
Nicole Rafiki en vient alors à ce qui a été son expérience personnelle, d’une petite fille noire dans un pays nordique, puis un(e) artiste devant cette difficulté du positionnement : « Je ne peux pas dire s’il y avait un artiste visuel qui était un corps féminin noir travaillant dans le domaine de l’art norvégien il y a cinquante ou trente ans. Même s’ils existaient, ils ne sont pas encore reconnus dans le canon de l’art norvégien. », confie-t-elle dans une interview à Sheila Feruzi (Contemporary &). Yppé remplit ce vide ou cette obscurité, tenant ainsi le rôle social, de reconnaissance, de satisfaction identitaire, quasiment thérapeutique, dans des temps très remués, au nord comme au sud.


L’art est apaisement, parce qu’il s’inscrit d’abord dans une approche collective. La tradition africaine le véhicule au-travers des multiples représentations et des cérémoniaux. Tout comme le deuil qui trouve un réconfort dans le partage communautaire, un spectacle, un film, une procession « moderne » sont des espaces, des moments de rencontre qui relient l’artiste et celui qui l’a accompagné, ou qui le découvre, et qui interagit avec lui sur ce moment de création et de rendu. Un art collectif, utile à l’individu, parce qu’il lui redonne une place, une fonction, une couleur, celle de sa peau, à celui qui le rejoint. Il en était ainsi hier. L’art permet de rétablir le passage. Il est contemporain et mémorial.
« Bien que je sois universitaire, je suis très consciente de pratiquer l’art comme le faisaient mes ancêtres. Dans la culture Luba dans laquelle j’ai grandi, l’artiste n’est pas seulement un étranger à la société qui fournit un produit. À l’époque précoloniale, l’artiste Luba était au cœur de la société elle-même, transformant des concepts abstraits spirituels, philosophiques, historiques et même mathématiques en représentations visuelles accessibles pour les membres de la famille royale et les gens ordinaires. De la même manière, j’utilise ma plateforme artistique pour faciliter des concepts qui peuvent profiter aux individus dans la société. » Nicole Rafiki
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RC (ZO mag’)
Photos : ©Nicole Rafiki
@ms.Rafiki (msrafiki.com)
Repères :
Nicole Rafiki est née en 1989 en RDC. Elle est artiste, conservatrice et éditrice.
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