Pourquoi mettre deux toiles l’une à côté de l’autre, comme d’écrire deux préfaces à un texte, et d’imaginer que la suite puisse être unique. C’est idiot n’est-ce pas ? Dans les années 70, Marlène Dumas peint un petit tableau qui s’appelle Kindvrou (la jeune fille). C’est une toile bleue qui dit la part de l’ombre. Elle est là dans ses yeux, une chose qui passe et livre un désir. Ce n’est pas facile ce sentiment, ça vous épuise la nuit, et au matin, vos yeux sont cernés de fatigue. Une personne a dit que Marlène Dumas est une femme claire habitée de choses sombres.


Il y a quelques semaines… c’est exactement ça qu’Annika Lochtman met dans ses regards. Par exemple, ce portrait. Elle l’a peint en décembre 2021 et il s’appelle « Mélancolie ». La couleur est bleue, la position n’est pas la même et on ne peut pas voir les poils pubiens. La femme est assise dans cette même robe de l’enfance et ses yeux sont perdus dans le vague. Regardez ses lèvres! ce flou qui vient sur le rouge.
Les deux femmes sont attachées à cette même chose qui navigue invisible par le bleu de la toile et qui les épuise. L’une semble sourire et l’autre pas. Elles attendent, ce qui vient et ce qui était. Marlène Dumas et Annika Lochtman sont de ce même expressionnisme qui redit une identique obsession, un cri similaire et silencieux, sur le même pont entre le dit et le non-dit. L’une comme l’autre se taisent, dans cette clarté, un peu avant l’aube et un peu avant la nuit. Ça s’appelle aussi pénombre. Une femme dans le désir, à l’heure identique de la vie. Plus tard, la lassitude et l’usure des doigts.
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos: Annika Lochtman et Marlène Dumas
Le tableau de Marlène Dumas sera mis en vente à Capetown, lors de la première vente 2022 d’ Aspire Art auction.https://www.aspireart.net/
Le travail d’ A. Lochtman est visible sur: https://www.facebook.com/people/Annika-Lochtman/100006713227133/