C’est un peu comme un écrivain qui voit en une nuit, dans un incendie, tous ses manuscrits qui partent en fumée. Ou un peintre dont l’atelier est emporté par le fleuve. Il y a tout juste un an, des gens sont entrés chez Dadee Andrianaivoson. Ils ont volé l’essentiel. La machine et la mémoire. Dadee est plasticien numérique. Il travaille sur ordi. Son disque est sa bibliothèque, son armoire à dessins. Tout y est ou presque. De longs mois… est-ce besoin de l’écrire ?

Il y a quelques jours, Dadee montre une toile numérique. La date et le titre ont disparu. Juste un travail mis en ligne, il y a deux ou trois ans, et qui montre dans une grande économie des couleurs, une silhouette au travers d’un treillis. Le boulot est très différent de ses productions habituelles. Il tient de la recherche. C’est important pour un artiste d’explorer et de ramener de ces voyages des éléments à partir desquels il peut poursuivre le chemin. « Cette série est un mix-media sur l’art du moiré. J’avais complètement oublié cette « période ». On y voit un homme de dos, au contraire des masques et des figues repréentées d’ordinaires dans des positions incantatoires. Un type dans son humanité « normale », anonyme. Bien sûr, cette impression a disparu au moment du vol. Dadee Andrianaivoson vient de la retrouver dans la mémoire de Facebook. Elle attendait qu’il revienne la chercher.
« … j’ai réellement fonctionné en « périodes ». Et cette période a donné quand même des créations et des visions… Le regard n’était pas dans les yeux ou les masques comme je développe d’habitude.. j’étais dans les silhouettes. Une interpellation sur l’humain. » Dadee Andrianaivoson
Ce n’est pas une histoire morale. Il n’y a rien à réfléchir de particulier dans ces retrouvailles virtuelles. Disons simplement que la machine nous permet de voir un vrai tableau, rempli de vérité. Cet « homme au chapeau » pris dans le grésillement des écrans, face à des choses répétitives, abstraites, qui remplit une partie indécise de l’image, est à notre image justement. Il est une partie de lui-même, une ombre, de dos, sans matricule, perdue dans ce corridor que tient une machine détraquée. Dadee est un plasticien humaniste. Tous ses travaux tendent à réhabiliter cette humanité en péril. Les hommes, comme les toiles, ont tendance à se perdre, ou se faire dérober. Puis un jour, ils réapparaissent. C’est un peu l’histoire de ce tableau. Et cette fois, la machine nous aide.
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RC (ZO mag’)
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