A priori, il s’agit vraiment de choses très ordinaires, et pour les rendre encore plus évidentes, André Kané recourt au plus grand dépouillement. Des traits vidés de toute substance superflue, qui disent l’essence même de l’être. On pense bien sûr à Mode Muntu, peindre de la même manière, dans les années 50, les femmes qui portent l’enfant, les hommes qui travaillent la terre. Parfois, la peinture de Kané atteint un tel point qu’elle devient « sacrée ». Donc des gens sont assis autour d’une table. Dans l’assiette, il y a un poisson. Ou alors, un homme passe sur sa bicyclette. Les vélos sont des outils ascétiques. Ils concentrent des éléments divers, très importants, comme le déplacement possible, la lenteur présumée de celui-ci, la liberté qu’il suggère et une forme de sentiment qui va avec. A bicyclette… la personne qui regarde la toile sifflote. C’est un très joli tableau. Un chien suit le cycliste et il y a un paquet sur le porte-bagage.

André N. Kané expose au Goethe Institut de Ouagadougou, une douzaine de ses dernières toiles et elles ont doublement trait à l’essentiel. D’une part, c’est dans sa nature de peintre et son tempérament d’homme.
Mais le sujet qu’il aborde aussi, au travers de cette peinture, traite de la paix. En langue, Lebg-N-Wa signifie « reviens ». Les scènes représentées échappent au cauchemar de la guerre, à la peur des attentats, aux morts qui sont les cases vides, à la fin de la nuit. Il peint cet instant qui est une réconciliation. Aucune blessure ne peut apparaître, aucun mot, juste l’essentiel qui est dans le déplacement de l’homme et le poisson que l’on partage.

André Kané, tout comme Agnès Tebda, camarade d’atelier, ont vécu des années d’angoisse et cette fois le peintre l’expulse et lui renvoie une face lumineuse. La paix. C’est une chose très simple qui consiste à mettre des humains à une table humaine et partager un poisson. Des chemins sont tracés sur cette terre. Et les hommes circulent à bicyclette, d’un point à l’autre, sans risquer la rafale d’une arme automatique. La paix, comme un ciel bleu, un champ jaune, dans un monochrome nécessaire et évident. Enfin !
RC (ZO mag’)
Photos: AN Kané
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Lebg-N-Wa, André Kané, du 18 février au 31 mars 2022, Goethe Institut, Ouagadougou (Burkina-Faso).
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Bel article…
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