Jamais elle ne dira qu’elle est photographe. Pourtant l’image occupe une place tellement importante, depuis tellement d’années. Sans doute, Houda Kabbaj ne la considère pas comme une activité, mais une part de son langage intérieur. On peut imaginer qu’il s’agit d’une façon d’être dans le temps, d’approcher d’autres réalités. Elle dit que les mots n’y peuvent pas grand-chose et qu’elle capte les images pour cette raison.

Au départ, Houda Kabbaj est architecte et elle a choisi la photo à un moment de sa vie, comme on choisit de se risquer dans un territoire inconnu. La photo lui permet d’approcher un temps plus vaste que l’instant, tel que ses contemporains le conçoivent. L’instant roi, d’une autorité totale. C’est pour la même raison qu’elle affectionne cet espace particulier du laboratoire. Le lieu est incertain, régi par l’attention et la lenteur. Le révélateur (liquide alchimique), la température des bains, la qualité du papier (barité), dans une relative absence de certitude, lui permettent d’apporter des solutions. Elle parle de « dialogue », de conversation avec la lumière. La lumière d’avant et celle du laboratoire, dans une superposition possible. L’image est dans le bac. Elle montre une forêt, un feuillage immense, une immersion. Elle montre un visage (le sien) qui flotte dans cette matière nourricière.
« Mon attirance pour les plantes n’a pas pour finalité de savoir où je vais. Je me nourris par leur beauté, leur complexité, leur mystère et pourquoi pas leur savoir. » Houda Kabbaj
La notion d’apaisement. Plusieurs fois, elle revient sur le rôle que les végétaux ont joué dans sa recherche de réconciliation. Avec la terre certainement, avec le temps qui n’est plus le même, avec la communication sans doute, hors les codes et les pouvoirs qu’ils suscitent. « Une plante est un autre organisme, dans un espace différent, selon des lois qui nous échappent, dit-elle à un instant de la rencontre. Elle explique un peu le besoin de superposer cet instant particulier à la vie « réelle ». Sa photographie emprunte un cheminement assez similaire. Les images se superposent, prises en deux temps. Le film est revenu en arrière et fixe ainsi l’instant du franchissement.

« Je ne suis pas une personne qui raisonne, j’ai du mal à dire et expliquer. Je sais que l’image participe, au même titre que l’architecture, d’une tentative de compréhension, ou d’acceptation, sans doute d’acceptation, elle permet une sorte d’harmonie, dans son processus. » L’apaisement que le végétal lui procure participe de la même quête. Elle tient d’un animisme instinctif. Un lien s’est établi, qui la ramène à cette part d’elle-même plus vaste que le corps, et qui s’enfonce au plus profond de la terre. L’appareil photo a permis de ramener quelques fragments de cette réalité parallèle. Ils sont autour d’elle, sur des rebords de fenêtres, le dessus des meubles, des images instables, persistances rétiniennes et végétales.
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos: Houda Kabbaj
« Les plantes ne sont pas une thématique que je traite, c’est plus une résonance, c’est peut-être même un questionnement sur ma propre nature. Mon attirance pour les plantes n’a pas pour finalité de savoir où je vais. Je me nourris par leur beauté, leur complexité, leur mystère et pourquoi pas leur savoir. » Houda Kabbaj

Repères:
Née à Casablanca en 1985, Houda Kabbaj quitte le Maroc en 2005 pour étudier à l’Ecole Speciale d’Architecture à Paris (diplômée en 2011). Depuis 2014, elle se consacre à la photographie qui l’accompagne depuis ses 16 ans. Houda définit son travail comme introspectif, à partir « d’images mentales » qu’elle retranscrit
Elle vit et travaille entre Paris et Marrakech.
Expositions
2019 : ART PARIS ART FAIR – Galerie So Art, Grand Palais, Paris (France).
2018 : Immanence, Galerie So Art, Casablanca (Maroc).
Novembre 2016 -Janvier 2017: Diluted Shades, Micro Galerie, Paris.
2016 : Fotofever, « Diluted Shades », Micro Galerie, Carrousel du Louvre, Paris.
Sublimation, collective, banque CDG, Rabat (Maroc).
2016: Empreinte, collective, Musée de la Palmeraie, Marrakech (Maroc).
2014: Off the Wall, collective au Bon Marché, organisée par le magazine OFF THE WALL. Paris.
2013: GRID – collective d’artistes marocains organisée par Alia Sebti, festival international de photographie, Amsterdam (Hollande).
2011: Animal Dream (curatrice), présentation des artistes de rue Ana Ovni et Morcky. Marrakech.
2010: Festival du Monde Arabe, collective d’artistes marocains au « Festival du Monde Arabe ». Montréal (Canada).
2009: Collective d’artistes marocains au WEF à Davos organisée par Nabil Ayouch. Contact:
Site: https://www.hkabbaj.com/
Mail: houdakabbaj.p@gmail.com
Excellente photographe
J’aimeJ’aime
Bravo Houda, j’adore … tu fais toujours ton labo toi-même ? Je me rappelle trop bien du trip de voir ton travail s’épanouir sous tes yeux …. avec Amine, Oeil de Lynx …
J’aimeJ’aime