Deux œuvres sont montrées au public, ces derniers jours, rouge et bleu monochromes, dans une recherche de la vérité qui ignore la demi-teinte. Commençons par le bleu de Ley Mboramwe. Le rappel historique n’est pas superflu. L’artiste qui a quitté la RDC pour l’Afrique du sud est en recherche perpétuelle de l’histoire. Le mensonge lui répugne, la manipulation cruelle l’ont déjà à maintes reprises motivé à peindre le tyran politique. Cette fois, et c’est une première, il se peint. L’autoportrait est un exercice difficile, comme un « examen de conscience ». « Nous sommes dans une époque de la métamorphose, c’est étrange et difficile, la vérité nous échappe. Je ne l’ai jamais fait jusqu’ici, de me peindre moi-même et je voulais que ce soit une sorte de vérité. J’ai demandé à ma fille de prendre les photos, à partir desquelles je travaillerai, parce qu’elle me semblait la seule qui saurait. »

Au final de la toile, il en sort un visage légèrement oblique dont le regard exprime une inquiétude curieuse. Ses yeux sont rougis, il peine à dire ce qui le préoccupe… et il se montre dans une vérité bleue. « Je pense à la vérité en peignant mon visage, cette recherche du vrai qui est une chose tellement rare autour de nous. » Pourtant, on ne bâtit rien sur le mensonge. « Il n’y a aucun apaisement à attendre des choses fausses, des messages trompeurs. » Un instant, il veut croire dans cette exigence et il se peint en bleu, comme un apaisement, une identification à la terre et au ciel. Un instant de rémission !
Mary Sibande vient aussi de l’Afrique du sud, où elle a créé il y a quelques années le personnage de « Sophie », en référence aux femmes de son pays (et de sa famille). Sur quatre générations, celles-ci ont servi les maîtres blancs. Mary scrute l’histoire. Dans la servitude quotidienne, Sophie s’habillait d’un bleu unique, robe et corps bleu, monochrome défensif, identité rapportée en résistance à la servitude.

Mais cette fois, Mary change de couleur. A plusieurs reprises déjà, ses personnages ont lâché des chiens rouges, une meute hurlante de sentiments violents. Elle le dit. « Notre pays ne se relève pas de cette humiliation, les Noirs ne sont jamais sortis de la misère et de la répression ». Ils continuent de servir la richesse blanche. La liberté n’est qu’un mensonge. Alors elle fait sa Ventriloque, rouge de colère, comme un golem hurlant, debout, une proue sur une mer de sang. C’est sa vérité, dans cette Afrique du sud gangrénée de violence, victime de toutes les exactions, viols, spoliations, misère endémique et proximité permanente du bien-être, étalage de la richesse. Rouge, parce qu’il faut que ça cesse, le mensonge !
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« Autoportrait », Ley Mboramwe, acrylique sur toile, 1, 20 x 1, 20m (2022)
Investec Art Fair, Eclectica Contemporary Gallery , du 18 au 20 février 2022. Cape Town (Af du sud).
« La ventriloque rouge », Marie Sibande, du 11 février au 10 juillet 2022, MAC Lyon.
RC (ZO mag’)
Photos: DR et by courtesy Ley Mboramwe and MAC Lyon.

Lâchez les chiens !
Imposante! L’installation de Mary Sibande occupe tout le 3ème étage du Musée d’Art contemporain de Lyon. Elle a été réalisée sur place et selon les indications que donnait Mary Sibande, restée en Afrique du sud en raison des restrictions sanitaires. Au centre de son travail, elle a installé un avatar d’elle-même, les mains tendue vers ces molosses, échappée d’un bestiaire mythologique et terriblement réel. Sa robe rouge a été confectionnée à Lyon, par une couturière formée à l’Ecole supérieure des arts du théâtre. Seule la meute de chiens (résine rouge et hurlante) a été réalisée en Afrique du sud.
« L’Afrique du Sud est un endroit étrange où la violence est toujours présente, où la guerre civile est toujours imminente. Pourquoi le corps noir ne connaît-il que cela ? Je me suis intéressée à la question de la colère parce que c’est cela, le leg de l’apartheid. Que signifie être en colère ? Et au-delà, qu’est-ce que cela signifie de vivre dans un monde libre où vous n’avez accès à rien ? » Mary Sibande
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