Ce matin, vous marchez dans une rue de Cotonou, et devant l’enseigne d’un réparateur de téléphones, vous croisez un parent à vous. Voilà une chose étonnante, parce que ce vieux monsieur, disparu depuis des années, pose sa main chaleureuse sur votre épaule et vous demande des nouvelles de la vie. Il est très étonné par la tournure des évènements. Les mots ont tellement changé, la façon de s’habiller et les filles aussi… Dans son travail qu’il consacre aux Egungus, Marcel Nangbé croise sans arrêt des parents disparus. Un Egungu, dans le vodoun, est une personne d’avant, qui revient vous dire le bonjour. Marcel Nangbé a choisi ce thème qui est la plus belle des passerelles au travers du temps. Et ce n’est pas sans raison.

Enfant, il a grandi dans cette tradition. Sa mère était une grande prêtresse et il assistait à toutes les sorties des fétiches, émerveillement de couleurs, de danses, association magique des matériaux et du sens. De tout cela, son âme s’est nourrie et elle le restitue désormais de la plus singulière façon.
… quelque soit la couleur du tambour, et la langue d’Agbenon, porteur de glaive et turbulent magicien.
Marcel Nangbé ne cherche pas à copier ce qu’il a vu, enfant. Et c’est justement cette question que le revenant, le vieil Egungu doit lui poser, quand ils se rencontrent ce matin à Cotonou. Les choses ont tellement changé, mais les esprits demeurent. Leurs visages empruntent à une abstraction lumineuse. Leurs silhouettes qui demeurent celles du berger, s’habillent de branchages géométriques, des filets de bois et de raphia, remontés des profondeurs de la rue. Ne cherchez aucune comparaison. Bien sûr, on peut y voir des parentés, mais l’art est ainsi fait que ses raccourcis empruntent des chemins communs, quelque soit la couleur du tambour, et la langue d’Agbenon, porteur de glaive et turbulent magicien.


Il y a une image très belle que Marcel a posée un jour sur un mur virtuel. On le voit dans une barque, posée sur le ciment d’une cour, qui remonte un courant imaginaire. C’est là l’importance, la seule qui mérite qu’on s’y attarde. Le temps est de cette matière changeante, de forme et de langage évolutifs. Mais il revient toujours à un point concordant, un quai, un rivage duquel l’histoire est partie. Les Egungu sont là pour le rappeler et peu importe s’ils portent ici une veste cubiste.
Accord’éon, exposition collective, du 12 fév. Au 13 mars 2022, galerie Arts vagabonds, Cotonou (Bénin).
RC (ZO mag’)
Photos : DR et Placide Tossou Charles
contact : (20+) Marcel Nangbê | Facebook
Repères :
Marcel Nangbé est né à Abomey en 1980. Il vit et travaille à Cotonou depuis 2006.
Participait en 2014 à Dak’Art.
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