Ce n’est pas une histoire récente. Et il est sûr qu’à cette époque, personne n’y a prêté attention. Au moment où Olivier S. quitte le Zimbabwe, on sait avec certitude qu’il a glissé dans la soute, ses premiers fétiches, faits de toiles, de métal et d’impossibles plastiques. L’opération se passe de nuit. À l’image du Nosferatu, il hisse à bord ses valises de récupération, des malles chargées de terre et de « dolls » (poupées aux noms multiples, dépositaires de l’âme, Nkisi du Congo, Akuaba du Ghana et autres Linga Koba). L’avion prend l’air, puis il atterrit dans une capitale européenne, où le géant les charge dans un taxi pour une destination inconnue.


Pendant plusieurs décennies, Olivier S. a travaillé au bien-être de ses ancêtres. Les fétiches seront plus tard transportés dans la rue Keller où il possède un cabinet d’art et de curiosités. D’autres sorciers l’ont alors rejoint. Certaines nuits, des corps passaient à la verticale des toits et posaient un pied léger sur le trottoir. Les poupées se nomment « dudes ». Rappelons pour mémoire que « dude » est un terme américain qui désigne le « mec ». Il apparaît notamment dans une fiction fameuse, sous l’apparence d’un joueur de bowling (Big Lebowski), où plusieurs scènes sont sans équivoque. Notre Terre nourricière serait-elle une boule de bowling ? Lancée dans l’espace intersidérale, un moyen de locomotion mystique pour les « dudes »

Il est donc inutile de raconter des turpitudes. Cette fois, l’artiste sort en plein jour ses fantômes métis, ces allégories du monde parallèle. Il les juche sur des mobylettes ivoiriennes ou camerounaises. Elles ont des yeux de faïence et sont bardées d’aiguilles thérapeutiques. Parfois, un passager les accompagne, parce que la motocyclette allait dans la même direction, la bordure du Grand Fleuve, le quartier du Volcan, le domaine des « loas » et toutes les entrées du Jardin que garde papa Legba. Nous soupçonnons qu’Olivier, dans sa pratique sombre et pailletée de lucioles, ait recours au vodou haïtien.


Durant la période troublée que nous venons de traverser (peste, bacille de Koch, Covid bariolé), l’artiste a abondamment mélangé les sens et les sangs. Cette exposition de « dudes » ne doit pourtant pas abuser. Ce sont des dolls (poupées) puissantes. La nuit, elles traversent Bamako ou le Poto-Mitan de Kin’. Des amants referment leurs petits bras sur leur taille. L’amour les conduit dans des hôtels et la doll se nourrit alors de leurs liquides. Au matin, elle a le teint clair et marche d’un pas alerte sur le bitume de la rue Keller. Dans ses cheveux, elle porte encore la fourchette du sacrifice.
,

Œuvres récentes, Olivier Sultan, du 25/1 au 26/2, Art Z galerie, 27 rue Keller, 75011 Paris.
Accueil : Art-Z Gallery
Tél. : +33 (0)6 63 24 42 22
RC (ZO mag’)
Photos: by courtesy Art Z galerie (Paris)
Laisser un commentaire