USA-Mexique / Plasticienne / Irene Antonia Diane Reece / LE LONG DE LA FRONTIERE

On imagine difficilement qu’un album de famille puisse être un ouvrage politique. Il est là pour consigner des souvenirs, se rappeler les visages, concentrer l’histoire tout au plus. L’histoire ? mais faudrait-il savoir laquelle… Et c’est là que l’« album » d’Irene Antonia Diane Reece prend un tout autre aspect. La jeune femme a grandi au Texas. Elle est en somme une enfant de la frontière, d’origine afro-mexicaine. Ses origines multiples lui ont pas mal de temps posé question. Et c’est sur ces interrogations qu’elle construit ses recherches plasticiennes. A commencer par celle du déplacement de l’identité.

Images d’avant, qui lui appartiennent, dont elle s’éloigne et auxquelles elle revient, comme aux éléments de son identité.

Il y a un mot qui dit ce sentiment : incomplétude. Ces théorèmes mathématiques peuvent s’appliquer à la sociologie : « Incomplétude » ou bien état d’inachèvement, construction inaboutie. « Depuis mon enfance, mon identité est constamment remise en question. Quand j’étais en France pour étudier ma maîtrise, j’ai été identifié comme Mexicaine, alors qu’à Houston, j’ai subi une discrimination au sein de la communauté Latinox en raison de mon métissage…« , explique-elle parfois dans ses catalogues d’expo. Effectivement, il s’agit bien d’une possibilité mouvante. Et sur laquelle, il va falloir bâtir une vie, d’autres souvenirs, d’autres langues, et surtout une cohérence de l’histoire.

Il arrive un moment où la mémoire ouvre d’autres territoires. Le passé cesse d’être une question ou une entrave. L’incomplétude est en train de s’achever et le cheminement s’invente un futur.

Dans cette recouvrance de l’image, Irène Reece rassemble les faits « structurants », comme le seraient des éléments d’architecture. Ce seront des mots, des souvenirs d’évènements, des instants plus intimes, qui finissent par préciser le temps et le lieu, mais aussi de nombreuses citations empruntées à des auteurs noirs classiques comme Baldwin, Stuart Hall et Langston Hughes. Au fil de la construction, le contexte se précise et de même la place de l’humain dans cette manipulation répétée. La dissolution identitaire participe d’une stratégie ancienne. Son montage photographique de 144 portraits, « Il y a toujours des gens comme moi » (2019) confirme combien elle est aussi activiste et engagée. Sa quête identitaire est celle de toute une communauté. Reece y revient constamment. Le travail fait alors fonction de catharsis. Un mot compliqué, mais profond comme un puits. Au fond de celui-ci une vérité peut se cacher.

Le recueil historique (album familial) tient donc un rôle central. Des images transmises, filtrées, arrêtées sur certaines circonstances, et qui font office de substrat. Dans cette « terre », Irene Antonia Diane Reece retrouve des éléments de stabilité, de conviction, de sentiment et d’envie. Puis elle les réinterprète, ou plutôt s’intègre à leur déroulement. C’est déjà le cas d’ « acte de naissance » (2014) Des tableaux se composent, puis se décomposent, pour renaître ailleurs, sous une autre forme, dans une autre histoire.

Il y a deux ans, la plasticienne américaine affiche un panneau de ciel totalement dépouillé, d’un bleu abyssal et qui voisinent une fenêtre enchâssée dans un éclair mural, d’ombre et de lumière. Un autre chapitre vient de commencer. Les éléments du passé, la famille originelle, le frère, le père, les plantations de coton, n’interviennent plus. Reece semble signer ici une sorte de liberté nouvelle. Il arrive un moment où la mémoire ouvre d’autres territoires. Le passé cesse d’être une question ou une entrave. L’incomplétude est en train de s’achever et le cheminement s’invente un futur

https://www.irenereece.com
RC (ZO mag’)
Photos : DR et ©Irène Reece.

« Depuis mon enfance, mon identité est constamment remise en question. Quand j’étais en France pour étudier ma maîtrise, j’ai été identifié comme Mexicaine, alors qu’à Houston, j’ai subi une discrimination au sein de la communauté Latinox en raison de mon métissage… » Irene Reece

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La tête que nous (nous) faisons….©Irène Reece.

Repères :
Irene Antonia Diane Reece est née (1993) et a grandi à Houston (Texas).  Actuellement, elle réside et travaille entre les États-Unis et l’Europe. Elle a obtenu son BFA en photographie et médias numériques et MFA en photographie et création d’images. Reece est connue pour l’utilisation de ses archives familiales comme une forme d’activisme et de libération.

Récentes expositions:
Individuelles:
Sa série Billie-James sera exposée à la 5ème Biennale Internationale de Casablanca en 2021.
2021: Home-goings, Galveston Art Center (prochainement), Galveston, TeXas (USA)
2017: Mon Frère , Lawndale Art Center, Project Space, Houston.
Collectives:
2021: Biennale du Texas: « Un nouveau paysage, un horizon possible »
2021: The Words Create Images, 5ème Biennale Internationale de Casablanca (Maroc).
     MULTI, Exposition virtuelle : Emma S. Barrientos Mexican American Cultural Center.
     Démêlés. Restructuré. Révélé: Where Contemporary Art and Diverse Perspectives : Trout Museum of Art, Appleton, Wisconsin (USA).
     An Active and Urgent Telling, trange Fire Collective: Gustavus Adolphus College Exhibition, Saint-Pierre, Minnesota (USA)

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