La vie abonde de petits instants très représentatifs. Souvent, la sculpture s’y attache. Elle traite ainsi avec beaucoup d’attention de ces choses que sont le travail, la maternité, la conduite d’un animal dans un enclos, la vente du poisson sur un marché. Et à cette première scène, qui est la fondation, elle ajoute, elle retranche, elle prolonge le geste et aboutit une vérité. Il vient cette idée que Mamady Seydi, sculpteur sénégalais, de la ville côtière de Mbour plus précisément, a pris ce matin la barque, ou le taxi, qu’il s’est assis, et qu’il a regardé l’exactitude de tout ça. Une fois arrivé à son atelier de Nguekhokh, l’envie de raconter une histoire lui est venue.

Il faut dire déjà que son travail de sculpteur se situe à un point de rencontre. Des histoires qui se croisent et qui racontent. La plus évidente est la rencontre entre la réalité (par exemple, le conducteur du véhicule) et l’imaginaire (la parabole, le dicton, la question : « je vous dépose où ?). Mamadi Seydi se sert de ces instantanés pour suggérer qui nous sommes dans cette comédie très bien écrite, trop sans doute, et qui nous mène (peut-être) dans le mur. Comme il est un artiste rempli d’humour, le plasticien a introduit dans son travail un bienveillant sourire. C’est curieux n’est-ce pas, mais il semble que son conducteur ne tienne aucun volant. Ou bien ce volant est un tamis, un miroir rond, au fond duquel il se regarde.
Une personne est devant et un autre derrière, l’une se penche et l’autre se retient. Des mots sont échangés sans doute. A vous de les trouver.
Il y a le geste, il y a l’absence partielle de l’objet… et il y a le sentiment. C’est le moteur de l’intrigue, comme on dit au théâtre, ou bien dans le dicton qui est une scène en raccourci et dont Mamady s’inspire en abondance. Regardez ces deux personnages qui semblent se courir l’un après l’autre. Nombreuses sont les œuvres qui racontent ce type de dialogue corporel. Une personne est devant et un autre derrière, l’une se penche et l’autre se retient. Des mots sont échangés sans doute. A vous de les trouver. N’attendez aucune légende de la part de l’artiste. Il ne parle jamais à la place de ses personnages, il les laisse en liberté et celui ou celle qui les regarde aussi. « Regarde mon chéri, ce type est en train de lui offrir un collier ! » Le monsieur se penche, il se retient, et il hausse les épaules.


La scène se poursuit ainsi, et c’est un bonheur d’écoute, de possible tendresse, parce que ça parle de l’amour, des confidences que l’on se fait sur un tronc d’arbre, de l’attente aussi, comme une planche recourbée et qui va se détendre à un moment pour émettre un son. Mamadi n’a pas besoin de trop en dire, ses personnages racontent très bien, et jusque dans le silence qui s’installe. Il vient alors cette idée qu’il pourrait être un sculpteur du vide. Le vide est en sculpture, comme le silence en musique, il tient une place considérable, il place les choses, il émet le mouvement. Mamadi, sculpteur de ce vide et de la vie qui le remplit.
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos: DR, Mamady Seydi and by courtesy galerie Galea
(20+) Mamady Seydi | Facebook
Mamady SEYDI – Galerie Galea
« Je suis assez souvent en dilemme entre mes émotions et mon désir de partager mes préoccupations profondes. (…) Je me découvre au fil des ans, me cherche et évolue en même temps qu’ évolue mon travail sculptural. Je n’ai pas toujours le contrôle sur le contenu de mes sculptures, raison pour laquelle j’adore partager les impressions de personnes extérieures. » Mamady Seydi

Repères :
Mamady Seydi est né à Dakar en 1970. Il est diplômé de l’école nationale des arts de Dakar (1997).
Il vit et travaille entre Mbour, ville côtière et Nguekhokh où il a son atelier.
Expositions individuelles :
1999 : Centre Culturel Français de Dakar « Wolof Njaay neena … », Sénégal.
Galerie Atiss, Dakar, Sénégal.
2001 : Galerie du Centre municipal Jean Gagnant, Limoges, France.
Galerie Cargo 21, Paris, France.
2002 : Théâtre Mohamed V (Festival Mawazzine 2002), Rabat, Maroc.
2014 : Le « Toukoukeur » Dak’Art off, Sénégal.
2018 : FNB Joburg Art Fair, solo show, Galerie Galea, Afrique du Sud.
Dernières expositions collectives :
2014 : Salon international de la sculpture africaine, Dak’Art, Sénégal.
2015 : FNB Joburg Art Fair, Galerie Galea, Afrique du Sud.
2015 : Galerie 50 Golborne, Londres (GB)
Galerie Arte, Parcours, Dakar, Sénégal.
2017 : « Les éclaireurs, sculpteurs d’Afrique », Avignon (France).
2017 – 2018: « Fuir », Fondation Blachère, Apt (France).
2018 : Biennale de Dakar, Festival « off », Fondation Blachère, Sénégal
2019 : « Afreeca » exposition collective, Galerie Galea, France.
« Bêtes de Scène », exposition collective Fondation Villa Datris, L’Isle-sur-la-Sorgue (en partenariat avec Galerie Galea), France.
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