Ceux qui sont autour du travail de Francis Offman en parlent avec une immense retenue. Ou ne parlent pas du tout. C’est un silence qui est comme la matrice initiale. Le silence, à l’image de la lumière qui se lève sur les collines de Butare (Rwanda, 1994). Francis a 7 ans. Ne plus en parler, ne plus faire la part des choses, des visages, c’est-à-dire de cette déchirure qui rien ne répare. Elle est au cœur du tableau, dans la volonté désespérée de rassembler la forme, de lui redonner le sens. Francis Offman est un peintre face à l’errance des éléments, dispersés dans la folie d’une histoire, où rien d’autre n’existe que la déchirure. Et dans ce chaos qui se rassemble, la clarté imposée, dont on ne sait la provenance, la lumière des coloris, leur quasi innocence.

Il y a quelques mois, la galerie londonienne Herald St montre des toiles qui figurent le mouvement et la lumière, de ce qu’il est impossible de nommer. La peinture du Rwandais est une tentative de dialogue entre les éléments, entre les matières. Le marc de café, récupéré des mois durant, séché et tamisé, mélangées au plâtre et à la colle et aux pigments. Le papier, dans tous les pluriels possibles, pages arrachées, calepins annotés de mots sans suite, emballages de pain, jusqu’à ces feuilles fragiles qui sont dans les boîtes de chaussures. Davide Ferri écrivait au moment de l’expo, l’avoir entendu dire à plusieurs reprises : « Je ne gaspille rien. » C’est dans ce rassemblement qu’il reconstruit, qu’il dit ce que la lumière révèle. Est-ce le mouvement, le désordre des gras et des jambes, l’esquisse d’un paysage, la vision qu’on en a dans le renversement de la vision ?

Au moment où se prépare l’exposition, Davide Ferri a rencontré le professeur d’art, Luca Bertolo, dont Offman suit les cours. Celui-ci ne dit pas grand-chose. Il évoque la « sincérité » de ce travail. Et puis du bout des lèvres, il suggère de ne pas mettre en rapport l’aspect biographique et la recherche picturale qui est conduite. Il y a une distance à établir. D’ailleurs, la galerie de Bologne, où le peintre vit, fait de même. Elle réduit le commentaire à son extrême. C’est terrifiant. Encore plus terrifiant. Comme l’écrivait le critique italien : « l’image suscite le même sentiment de manque de résolution, avec le brun profond qui semble souligner et sous-tendre des fractures irréparables. Quelque chose d’irrémédiablement tordu. »
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Francis Offman, du 9 octobre au 8 janv. 2022, P 420 galleria, Bologne (Italie)
Contact: http://www.p420.it/en/artisti/offman-francis
À lire : Francis Offman 2021 — Rue Herald (heraldst.com)
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : DR, Luigi Roberto and by courtesy galleria P420 (Bologne)
Repères
Francis Offman est né en 1987, à Butare (Rwanda). Il vit et travaille aujourd’hui à Bologne. Expositions
2021 : Francis Offman, P 420 Arte Contemporanea, Bologne (Italie).
Francis Offman, Rue Herald, Londres (GB)
2018 : Tragitti divaganti, distrazioni da una meta, P 420 Arte Contemporanea, Bologne (Italie).
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