Nigeria / Dessin / Odunayo Orimolade / LA PIÈCE MANQUANTE

Un mot vous échappe, ou bien est-ce une image que vous n’arrivez plus à situer. Une partie demeure précise. Ses traits sont clairement dessinés. Mais l’autre devient floue et terne, sans réelle consistance. Et puis par un mécanisme étonnant, la signification revient, ou bien le dessin exact,, en même temps que la forme et l’accent de sa voix. La mémoire tient certainement un rôle, mais aussi une foule d’images récentes, qui se connectent à cette réalité. Par exemple, le bruit du camion que vous entendez passer au bas de votre immeuble s’associe à cette rue où vous habitiez, et à ce matin précis où vous étiez dans votre chambre, malade, les yeux au plafond, à regarder le ciel gris pareil à celui qui s’étale en saison sèche. Cette fois, ça y est, vous avez retrouvé l’endroit et le moment de l’enfance, au fond de votre mémoire. Repli, pièce manquante qui retrouve une place.

Cette fois, ça y est, vous avez retrouvé l’endroit et le moment de l’enfance, au fond de votre mémoire. Dans un repli, dans un oubli.

Les dessins de Odunayo Orimolade fonctionnent de cette manière. Elle dit avoir du mal avec la langue yoruba que ses parents parlaient, et notamment son père. La voix de celui-ci lui revient, mais les mots lui échappent. Et de la même façon, elle est obligée de « réparer » en apportant des touches successives de visages, d’émotions, des bouts de réalité, qui raccommodent peu à peu le souvenir. Ces constructions de « ponts » rétablissent alors la circulation du sens. Peut-être n’est-il pas tout à fait le même qu’à l’origine, mais au moins ça fonctionne. Et ce fonctionnement n’est pas sans intérêt.

Les dessins qu’elle présente à Accra sont issus de cette exploration narrative autant que suggestive. Ils font un peu penser à une photographie cérébrale. Les figures qui apparaissent peuvent s’apparenter à un tissu de neurones. Les plots sont reliés les uns aux autres par des filaments subtils. Ils sont issus d’une même matière organique, d’une subtilité absolue, hypersensible, comme le seraient des antennes microscopiques. Grâce à eux, nous pouvons recomposer ce qui était et ce qui est, ou du moins la narration la plus probable à nos yeux et qui réponde à notre envie très subjective de nous rappeler.

,

« Knowing » (Connaissance), du 9 octobre au 5 décembre 2021, Nubuke Foundation Gallery, Accra (Ghana).
RC (ZO mag’)
Photos : © Odunayo Orimolade

Repères :
Odunayo Orimolade travaille et crée à Lagos (Nigeria).
Elle est actuellement sous-doyenne de la School of Art, Design and Printing du Yaba College of Technology où elle enseigne au département des beaux-arts.

Laisser un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Site Web créé avec WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :