De l’air, de l’air… et de l’espace, par pitié ! On étouffe… Ce pourrait être, de façon théâtrale la demande du moment. Le monde de l’art a un besoin (vital) de circulation, d’échanges et de mélange, pour que la couleur soit. Il a subi de plein fouet les fermetures diverses qui impactent la planète. Fermetures des frontières, des esprits, fermeture des lumières, black-out général. Ouvertes vendredi dernier, les Rencontres internationales de peinture de Ouagadougou (RIPO) ont choisi ce thème indirectement pour leur quatrième édition. La manifestation est courageuse, on le sait. Après un début difficile en 2006 et deux autres rendez-vous pénalisés par le terrorisme, elle refuse de fermer ses portes. Que l’air circule donc et les artistes aussi.

Ce n’est donc pas un hasard si en septembre dernier, Suzanne Songa-Ouédraogo et son équipe annonçaient le choix d’Aliou Ndiaye pour piloter le projet artistique. Journaliste critique, le Sénégalais a une solide expérience de ces rassemblements créateurs, avec des passages à la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar (Dak’Art), aux Rencontres photographiques de Bamako (Mali) entre autres. Ses derniers travaux s’intéressent en plus à la question de la mobilité des artistes et des œuvres d’art sur le continent et au-delà. Pile-poil dans l’actualité et le programme 2021 du RIPO.

Dans leurs discours introductifs, les responsables politiques ont souligné abondamment cet aspect. Les artistes ont besoin de bouger et pour ce faire d’être aidés, affirmait le ministre de l’Energie et des Mines venu inaugurer les rencontres. Le jury chargé de la sélection entendait donc poser un éclairage international sur sa sélection. Les trente artistes choisis viennent de 16 pays différents, Afrique de l’ouest essentiellement, du nord également, mais aussi, comme le soutient Aliou Ndiaye, de la partie anglophone et lusophone du Continent : « Bénin, Sénégal, Burkina, Côte d’Ivoire… nous sommes tous francophones, mais essayons de regarder vers nos parents africains anglophones aussi. Ainsi, on a porté la focale sur le Ghana, le Burundi, l’Angola. La première innovation c’est vraiment de s’appuyer sur cette diversification et de répondre à la circulation de message. »
« C’est d’un travail dont il s’agit, pas d’un passe-temps, un caprice ou un refuge. » Suzanne Songa-Ouédraogo
Installées dans le centre culturel Naanego (Bilbalogo), les expositions s’accompagneront de différents débats et ateliers. Au centre de la conversation, il sera bien sûr question de cette mobilité transfrontalière, thématique centrale, mais aussi de la nécessité de professionnaliser le rapport à l’art. Suzanne Songa-Ouédraogo l’a plusieurs fois souligné : « C’est d’un travail dont il s’agit, pas d’un passe-temps, un caprice ou un refuge. » Et de pointer combien les artistes sont aussi des soutiens de famille, des parents qui doivent assumer des loyers, l’éducation de leurs enfants, la santé de leur famille. La résilience est certainement une qualité nécessaire, mais la prise en compte de la réalité sociale de l’artiste une responsabilité des pouvoirs publics aussi.

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RIPO, du 5 au 14 novembre 2021, Ouagadougou (Burkina-Faso).
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos: DR
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