On peut penser que deux être qui décident de fusionner leur identité et de ne présenter qu’un nom unique, relève de la construction intellectuelle. Faux, en ce qui concerne Mwangi Hutter. « Il ne s’agit pas d’un concept, mais d’abord d’une expérience vécue. », disent-ils en préambule , avant d’en revenir à l’origine de cette histoire.
Au début des années 2000, Mwangi et Hutter se croisent dans la classe des nouveaux médias à l’université allemande d’art et de design HBKsaar. « Et ce fut une rencontre immédiatement explosive d’âmes sœurs, » explique Mwangi la partie kenyane de cette créature fusionnelle. « Nous sommes tombés amoureux… » ce qui n’est pas un détail innocent, puisque la position des corps, des mots, la conjugaison des langues tiennent alors une place importante dans le rapport affectif et créatif, et leur équilibre à venir. Comme il s’agissait aussi d’une conversation d’artiste, la création devait trouver de nouvelles manières de fonctionner, qui intégrait leur altérité africaine et européenne.
« Nous avions des idées pour placer le corps de l’autre dans nos œuvres, quel que soit le médium. Et il devenait de plus en plus difficile de séparer nos deux positions, impossible de garder « l’autre » en dehors de notre discours personnel. », poursuit Mwangi. La vidéo, la photographie, la performance leur permettent d’apporter des réponses aux questions d’altérité, de violence, d’incompréhension que la société génère. Et c’est là que l’idée de fusionner leur deux identités est venue.
« « ce rapport permet d’arriver à des compréhensions similaires, basées sur l’universalité de l’expérience humaine. » Mwangi Hutter
Pour ces deux artistes, l’idée d’identité tient de la construction, « qu’elle soit personnelle, nationale, historique ou autre. » Et ils jugent très intéressant que toute idée nouvelle tend à bouleverser les équilibres. Dans une relation personnelle, la notion de « mien » et de « tien », ce qui à de toi et à moi arrive à s’adoucir. Une compréhension mutuelle se crée. L’œuvre va donc fonctionner de cette manière. On peut alors imaginer que les notions conventionnelles liées au genre, à l’origine finissent par se relâcher. « Cela provoque un sentiment d’unité, un changement de sens et de compréhension de soi. Et plus d’humour ! »

Le travail de Mwangi Hutter est donc inscrit dans cet échange en mouvement constant, circulation de flux, incidence des langues qui se mélangent dans les bras de mer. Est-ce une eau qui vient de la terre, est-ce un fleuve qui passe, ou un océan qui devient ? Le travail qui privilégie le noir et blanc, s’amuse très sérieusement à confondre les appartenances anciennes pour mettre au jour une hybridation douce, mélodique, sans frontière arrêtée, sans pass ethnologique d’appartenance figée.
Et ce travail évidemment voyage. Outre les évènements occidentaux (Biennale de Venise, Documenta de Kassel, Biennale de São Paulo, de La Havane, au Brooklyn Museum de New York ou au Centre Pompidou à Paris), Mvangi noue des liens permanents avec l’Afrique, où il-elle privilégie souvent la performance, « où elle crée de nouveaux publics grâce à un engagement direct et interactif. » Et de constater que « ce rapport permet d’arriver à des compréhensions similaires, basées sur l’universalité de l’expérience humaine. »

En langue compliquée, l’interdépendance générale de l’individu et de la société, les contrastes tels que femme-homme, africain-européen, porteurs d’antagonismes potentiels, trouvent dans ce mode opératoire une place différente. Il est possible dans les compositions de Mvangi Hutter de reconnaitre ce qui est d’ici et de l’autre côté, oui, comme une main blanche et une bouche noire, c’est visible. Mais à ce sujet, il faudrait employer un autre temps, une autre grammaire. L’emploi de l’imparfait ou bien le mouvement. C’est très bien la mobilité qui ignore les lignes de partage et la position des pièces armées.
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Roger Calmé (ZO mag’)
Photos: DR et ©
https://mwangihutter.art/
Repères:
Mwangi Hutter (nés respectivement en 1975 à Nairobi, Kenya, et en 1964 à Ludwigshafen-sur-le-Rhin, Allemagne, ont fusionné leurs deux noms en 2005.
Ils travaillent la photographie, la vidéo, l’installation et la performance.
« Le duo considère son œuvre comme une seule et même unité issue de deux corps, deux esprits, deux histoires et de la fusion continue de leur expression. Ils contribuent à pacifier les contrastes - féminin-masculin, africain-européen - lesquels représentent les frontières et les sujets qui séparent, tant d’un point de vue politique que personnel. » Marianne Ibrahim gallery.
Dernières expositions individuelles
2021: It’s a thin Line, Galerie Burster, Berlin (Allemagne).
2020: MWANGI HUTTER. Close By Between Us, Centro Atlántico de Arte Moderno, Las Palmas de Gran Canaria (Espagne).
2019: Equinox, MW Gallery, Mott-Warsh Collection, Flint, MI (USA).
Schwarz, Rot, Gold?, Box #3: Mwangi Hutter, Kunsthalle, Mannheim (Allemagne).
2018: From The Other Side Of Daylight, Galerie Burster, Karlsruhe (Allemagne).
Time Zon
Equinox, Sheppard Contemporary and University Galleries, Reno, NV (USA).
Innocent Of Black And White, Kunstverein Ludwigshafen (Allemagne).
2017: Falling In Love, Again, Mariane Ibrahim Gallery, Seattle, WA (USA).
Living In Your Heart, Galerie Burster, Berlin (Allemagne).
2016: Circling Around Oneness, Galerie Wedding – Raum für zeitgenössische Kunst, Berlin.
2015: Burning Desire To Be Touched, Smithsonian Institution, National Museum of African Art, Washington, D.C. (USA).
Cloth to Cover Every Stone, deFINE ART, SCAD Museum of Art, Savannah, GA (USA).
2013: Mwangi Hutter | Single Entities, Salon, Alexander Ochs Gallery Berlin (Allemagne).
2011: Paradise: The Hidden Land, Zeitraumexit, Mannheim (Allemagne).
Ingrid Mwangi Robert Hutter. Constant Triumph, Spelman College Museum of Fine Art, Atlanta, GA (USA).
2009: Intruders, Goethe-Institut, Nairobi (Kenya).
Masked, Emerson Gallery, Hamilton College, Clinton, New York (USA).
In the Eye of the Beholder, DARB 1718, Le Caire (Egypte)
2008: Red Line – Ingrid Mwangi Robert Hutter – 20 video works, Pixel- Gallery, Budapest (Hongrie).
Along the Horizon, Galleria Il Trifoglio Nero, Gênes (Italie).
2007: Ingrid Mwangi Robert Hutter. Select Videos, The Rotunda Gallery, New York (USA).
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