Il pourrait s’agir d’une volière immense, vaste comme la savane qui couvre tous les angles du paysage. Au milieu un arbre sec, et sur ses branches noires, sur l’armature métallique de cet arbre, un oiseau de très grande taille. Tout est démesure dans une mythologie. Les dimensions sont des millénaires et les ailes du rapace peuvent amener le crépuscule.
Enfant… le sculpteur Oumar Ball écoute les histoires de l’hyène et du vautour. Voilà deux animaux d’une grande utilité. Il est des régions comme les plateaux Masaïs et d’autres encore où on leur confie les morts. Oumar ouvre des yeux écarquillés, par la beauté de ce songe, par la résonance humaine qu’il lui inspire. Hommes et autres prédateurs, dans des proximités qui sont celles du pouvoir, à la conquête de cet espace résolument bleu. Le ciel, en somme l’éternité, l’enfer et son double, d’un azur mortel et apaisé.

En 2017, Oumar a sculpté un vautour remarquable de sagesse. « Ce sont des animaux formidables, » dit-il, » dans le Fouta, ma grand-mère inventait pleins de rebondissements à leurs histoires, et c’était la même chose pour l’hyène. Le seul problème c’est qu’ils vivent sur le même territoire. » Tous les ingrédients sont là, pour une parabole métallique et plasticienne, à laquelle il songe déjà.
« Le seul problème c’est qu’ils vivent sur le même territoire.« Oumar Ball
Chimère est de cette chair, de ce mouvement assez terrible qui habite sa suspension. Parce qu’Oumar vient au-delà de la simple figuration mythologique. On est loin des bronzes statiques qui illustrent souvent ces affrontements de légende. La puissance pectorale et l’effroyable contraction de l’anneau reptilien. Nenni! Le sculpteur mauritanien est aussi un peintre et la peinture est dans le temps en mouvement, dans la chute des corps, des ombres et des illusions.


« Chimère » fonctionne comme un instant de cet accouplement vorace. Et si l’hyène incapable d’aimer le vautour montait sur son dos pour une étreinte sans retour ?
Le fait qu’Oumar Ball ait figuré ce combat dans les airs n’est pas anodin. Il parle dans une interview de ce « dialogue impossible, de l’incapacité du partage. » De cette lutte terminale, aucun vainqueur ne sortira. Déjà, le vide s’ouvre, sous leurs corps confondus. l’Hyène et le Vautour, tous deux majuscules, absorbés par leur propre désir, happé par l’ambition d’un royaume qui jamais ne leur appartiendra. Les plumes de métal volent, le regard du fauve fixe un point invisible. Il réalise soudain que ce sang est le dernier. Bientôt, il sera un cadavre au pied de l’immense falaise.
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« Chimère » a obtenu le premier de la Biennale de Ouagadougou 2021, jury constitué de Jean Servais Somian, Barthélémy TOGUO, Abdoulaye Konate et Ky Siriki.
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos DR: Bruno Demoecq, Olivier Herviaux (le Monde)

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Repères:
Oumar Ball est né en 1985 à Bababé en Mauritanie. Son père, Issa Ball, était photographe et peintre. C’est dans cette proximité des images qu’il a reçu sa première formation.
« Objets, animaux, humains sont les acteurs de ce théâtre que je mets en jeu dans un récit qui est une métaphore de la vie, » dit-il de son travail.
Expositions collectives:
2019: Art Paris Art fair, Grand Palais, Paris (France)
Art Dubai Contemporary, Émirats arabes unis.
2018: Regards sur l’art contemporain en Afrique de l’Ouest, Brasserie Clausel (Galerie Atiss), Luxembourg.
Biennale Dak’art, Galerie Atiss, Dakar (Sénégal).
2017: AKAA, Galerie Atiss, Dakar.
2016: Art Paris Art fair, Grand Palais, Paris (France).
« Parcours », Dakar.
Biennale de Dak’art, Galerie Atiss, Dakar.
2015: « 37 Mètres Cube Plus Loin » avec le groupe Cargo Deux Cent Neuf, Bordeaux (France).
2014: Espace Van Gogh, Arles (France).
2013: Exposition collective « Dessine-Moi un Mouton »,
Institut français, Nouakchott (Mauritanie).
2002: « Père et Fils », Centre culturel marocain, Nouakchott.
Expositions individuelles
2016: « Esquisse de vie », Institut français, Nouakchott.
2013: « Palette du Fouta », Galerie Zeinart, Nouakchott.