Sénégal / Photographie / Adama Sylla / LES CHOSES ME REVIENNENT

Tout est là, dans ses tiroirs, conservé avec le plus grand soin. Étiqueté, classé, par période, par thème, plaques, négatifs, tirages, mais aussi des publicités de l’Entre-deux-guerres, des cartes postales, des prospectus : en somme tous les « instants » coloniaux de Saint-Louis, avant que le souvenir ne s’efface.

Adama Sylla est non seulement un grand photographe de cette époque mais surtout un « conservateur ». À la fin des années cinquante, en même temps qu’il commence à photographier, Adama Sylva a d’ailleurs suivi une formation de documentaliste.  » Parce que les photographies d’aujourd’hui dans vingt ou trente ans seront rentrées dans l’histoire, » disait-il dans une interview à Bärbel Küster (Photographie et Oralité). Un entretien qui est l’un des très rares à s’intéresser à son travail. En 1957, alors qu’il débute cette collection assez considérable, qui s’intéresse à documenter l’époque coloniale ? Qui s’interrogeait sur le rôle essentiel de la mémoire ?

« Elles restituent l’histoire, elles permettent de l’écrire. Même longtemps après… »

Adama Sylla a compris très jeune l’importance de cette mise en mémoire. L’histoire est là, en images détachées, que l’on relira plus tard, dans une perspective différente. « Elles restituent l’histoire, elles permettent de l’écrire. Même longtemps après… » disait-il plus loin dans cet entretien. Selon un angle toujours nouveau, modifié par les événements qui se sont déroulés entretemps. Cette collection n’a rien d’anecdotique.

Venus immortaliser leur quotidien, un évènement, une acquisition, confirmer un statut social.

« L’image est indispensable. Elle permet le développement d’un pays. De nombreuses erreurs du passé peuvent être ensuite évitées grâce à la circulation des images. C’est pourquoi je pense qu’une collection correspond à un projet, à un point de vue. Il faut une méthode pour collectionner. Une cohérence qui permet aux images de devenir des documents, » confie-t-il dans cette interview. On remarquera d’ailleurs que la Revue noire a recours à ce fond, quand elle réalise son Anthologie de la photographie africaine (1998), de même que le Metropolitan Museum de New York qui l’intègre à ses collections.

Dans ce grand fleuve du temps, Adama cherche donc à enregistrer les plus intimes variations. Il le dit lui-même, l’image lui permet de vivre dans des époques différentes. A cette époque, Saint Louis est une ville en plein éclairage, « aussi photographiée que Paris. » Des dizaines de studios existent. Ils sont tenus par des Africains, des Français, des Anglais… On va chez l’un ou l’autre selon ses origines. Ville blanche, ville noire.  » Tout le monde voulait se faire photographier. Toutes les images que vous voyez ici, ce ne sont ni des pauvres, ni des riches, mais la classe moyenne. (…) Surtout des fonctionnaires, des marchands, des traitants, des commerçants… » Venus immortaliser leur quotidien, un évènement, une acquisition, confirmer un statut social.

Pendant plus d’un demi-siècle, il s’attache ainsi à remarquer les « gestes qui disent ». Par exemple cette femme qui montre ses bijoux, ou son enfant, ou qui veut poser près d’un meuble qu’elle emmène avec elle. Le statut, l’appartenance sociale, les objets emblématiques. Le film révèle, il fixe, il rappelle, il comble, il est le roman de notre vie.

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Prochainement un « dialogue entre Adama Sylla et la jeune photographe Éva Diallo, galerie Regard Sud/Lyon.

Roger Calmé (ZO mag’)
Photos DR et Adama Sylla

A lire: Adama Sylla, collectionner, documenter.
http://dakar-bamako-photo.eu/fr/adama-sylla.html

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