Une image vient. Celle d’une femme assise dans un bus américain, qui traverse une grande étendue, le nez collé à la vitre. Elle regarde. Ses yeux expérimentent ce qui passent. Ce serait un peu de cette manière que Nancy Josephson va au travers de sa vie. Elle passe d’une pièce à l’autre, s’arrête quelques instants, déplace un pion sur l’échiquier, puis elle monte dans un bus. « Ma nature était telle que je voulais savoir comment les choses fonctionnent, puis comment je pouvais les appliquer à ce qui était dans mon cerveau. » L’impression vient alors de suivre un film ou de feuilleter un roman, assis de l’autre côté du couloir.
La première question est donc là : laquelle de toutes ces femmes faut-il rencontrer ? Nancy Josephson a commencé par jouer de la basse et chanter de la folk music. Elle avait 16 ans à peine. Si vous regardez les vieilles pochettes d’Arlo Guthrie, vous retrouverez son nom. Pourtant, rien n’est vraiment arrêté. Elle peut chanter dans des spots publicitaires pour nourrir ses enfants (Chicago) et déjà s’intéresser très fort aux arts visuels. « J’ai commencé à me lancer dans la conception textile. J’étais vraiment intéressée par la courtepointe et le jeu dans ce monde, et cela m’a conduit dans les techniques mixtes – cette ligne fine entre le monde de l’artisanat et l’art. » expliquait-elle dans une interview (*). Expériences de plus en plus abouties, jusqu’à cet instant où l’évidence du choix se pose. Elle dit en avoir eu assez de la route. Que son meilleur son serait maintenant là, dans ses combinaisons vaudoues, ces assemblages de perles et d’yeux limpides, sortis de l’intervalle.
Dans les années 90, Nancy est partie pour Haïti. Elle y rencontre à la fois des peintres et des maîtres spirituels, ce qui lui semble être la même chose. Des cérémonies se déroule dans un jardin et de l’autre côté de la barrière des couleurs s’étalent sur des toiles. Toiles ou drapeaux vaudou, pailleté d’or et d’argent, et sur lesquels d’ailleurs elle écrira un livre.
« Je m’appelle Nancy Josephson et j’habite sur la côte Est. Je suis un artiste sous diverses formes et j’ai été beaucoup de choses différentes dans ma vie. J’ai 65 ans et… »
Depuis cette époque, l’art et la spiritualité voyagent sur le même siège. Sa série « Spirit Heads » est à cette image. Croisement de voix, où l’on croise des esprits (loa), chauds ou froids, venus de l’eau, des esprits blancs comme le grand serpent Damballah. Son travail est une référence permanente à cette circulation des esprits. Son atelier abrite plusieurs autels qui leur sont dédiés, et qui lui permettent des relations avec sa famille aujourd’hui disparue. Certains jours, elle choisit de partager son temps avec l’un ou l’autre.

Dans ce panthéon qui retrace et présage l’histoire multiple, Nancy continue donc à fouiller les recoins du possible. La récente crise sanitaire lui a suggéré de peindre. C’est une technique pour laquelle elle s’est toujours montrée réticente. Elle parle de cet expérience comme d’un instant existentiel, en s’aventurant hors de sa zone de confort, que sont les assemblages de perles. Nancy fait ainsi plusieurs tentatives, expérimente des oxydes, assiste à des métamorphoses. « C’est comme de trébucher autour, explique-t-elle, sans jamais bien savoir, sur quelle chambre la porte s’ouvrira, de quelle matière la sculpture sera faite et de quel bruit battront ses ailes.
A la journaliste qui l’interviewe, elle dit: « Je m’appelle Nancy Josephson et j’habite sur la côte Est. Je suis un artiste sous diverses formes et j’ai été beaucoup de choses différentes dans ma vie. J’ai 65 ans … »

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RC (ZO mag’)
Photos DR et Nancy Josephson Nancy Josephson
Artwork – L’œuvre de Nancy Josephson
(*) par Molly Garson et Kristina Skillin, 16/12/2020, Museum de Beadwork