Il ne s’agit pas d’une ligne banale au milieu de sa biographie. Qui serait là comme un épisode parmi d’autres. Depuis les années 90, Barthélémy dénonce les dysfonctionnements du monde et la nécessité en même temps de cesser notre plainte et de se prendre en charge. Son travail de plasticien a beaucoup marqué les critiques dans ce sens. De grandes expositions l’auront ainsi invité, comme » Migrateurs » (ARC, 1999, Paris) « Partage d’exotismes » (Biennale de Lyon, 2000), ou « Political Ecology » (White Box, New York). Cette énumération pourrait être plus longue, mais elle resterait d’une importance limitée si elle se réduisait à la seule dénonciation.

En 2013, Barthélémy Toguo, citoyen camerounais et français, revient dans sa province de l’Ouest, plus précisément à Bandjoun, près de Bafoussam, et crée Bandjoun Station. Il déclare alors:
» Au regard des multiples obstacles que rencontre l’Afrique et sa Diaspora, nous Africains ne pouvons nous offrir ‘le luxe’ de capituler, de geindre et d’attendre. Il est primordial que nous imaginions nous-mêmes nos solutions dans tous les domaines (…). »
Bandjoun va donc s’occuper de l’art contemporain, en inscrivant celui ci dans une double perspective. Être au contact du monde, de ses recherches plastiques, et de répondre aussi aux besoins de la localité et de sa culture. En somme un carrefour entre la modernité et l’art classique. Entre la vie quotidienne et ce qui se passe ailleurs, de l’autre côté des barrières. Des appartenances et des océans.
Dans les faits, Bandjoun Station offre à ses visiteurs » une plate-forme continue d’échanges sur l’art, les langages artistiques, les techniques de productions, les pistes de réflexion et d’éclairage de la société« . Traduit en clair, ses 600 m² associe une partie contemporaine avec deux salles d’expo et un niveau muséal qui rassemble une collection de pièces traditionnelles. La structure peut évidemment accueillir des chercheurs, organiser des rencontres, des conférences, mais aussi ouvrir des résidences à des artistes de tous les domaines. Enfin, son calendrier est volontiers festif, et il se calque aussi sur le calendrier des évènements locaux et fêtes traditionnelles.
Depuis son ouverture, l’espace a ainsi multiplié les éclairages. On peut tout aussi bien y admirer des oeuvres de David Nash, Hervé Youmbi, Antoni Tàpies, Soly Cissé ou Joël Mpah Dooh, que de la poterie venue des grandes chefferies. Plusieurs expositions majeures s’y sont succédé: «Mes Amours», «Stories Tellers», «Dialogues», «Behind the Portal», «Newwar. It’s Just a Game?»… On parle aussi d’une web-radio. Et l’artiste souligne encore qu’il faut garder les manches retroussées, au niveau de la bibliothèque notamment qui mériterait un meilleur référencement.
Mais s’il est un point sur lequel Barthélémy Toguo insiste volontiers, il s’agit bien du volet agricole. Rien ne fait sans la terre. Au propre comme au figuré. le Cameroun est un pays profondément paysan et qui peut servir de modèle dans différents domaines. Bandjoun a ainsi développé dix hectares de plantations, du café et des céréales (maïs, haricot, arachide…).

Les habitants de Bandjoun ont été particulièrement intéressés par les réflexions que les exploitants mènent en termes de culture et de respect des sols. Puis ils sont allés voir dans les salles et ce que les artistes produisaient. L’une servait de porte ouverte sur l’autre, ou inversement, de sortir de l’atelier et de s’enfoncer dans cette verdure nourricière. Bandjoun est bien plus qu’une anecdote. Elle est dans le prolongement de l’œuvre, elle se construit aux mêmes couleurs.
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RC (ZO mag’)
Photos: DR et Station Bandjoun
https://www.barthelemytoguo.com/bandjoun-station-2/
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