France-Togo / Peintures / Haude Bernabé /AU PIED DE L’ARBRE-BRAS

Nous sommes construits de périodes. Nous attendons dans un ventre que ce soit fini et là, nous sortons au jour. Plusieurs fois dans notre vie, ce temps vient. Haude Bernabé ne le dit pas de cette manière. Elle écrit juste que cette période du confinement a ramené au rivage des sentiments divers, des lectures, des musiques qui demandaient à prendre forme. Les choses connaissent aussi des périodes. Elles disparaissent et elles réapparaissent pour prendre place.

Le bois qui est arbre, le métal qui est mot et main, la lumière blanche et noire, comme le piano,

Dans cette période du confinement, Haude vit un besoin de ces choses simples que sont la nature, les lumières qui vont en même temps, les feuilles qui jouent avec la clarté et puis qui meurent. En somme, c’est un temps de collecte. En même temps qu’elles se rassemblent dans la maison et qu’elles l’habitent, le besoin vient à l’artiste de leur donner une voix, un rôle, un déplacement des matières. Le bois qui est arbre, le métal qui est mot et main, la lumière blanche et noire, comme le piano, peuvent entretenir un dialogue. Les sculptures naîtront ainsi, et les dessins qui les accompagnent sur ce chemin ouvert entre les murs de la maison.

« Dans ce temps vide et muet, une brèche s’ouvrait également vers un univers sensible d’autres présences au monde. Le temps en quelque sorte dissolu laissait une place vacante… » H. Bernabé

L’exposition est là. Un corbeau (noir) regarde à la cime deux petits personnages (blancs), assis sur cette branche de l’arbre-bras. Il est sans nom et sans majuscule, et pourtant il supporte le ciel, l’oiseau et les deux enfants assis dans ses bras. À plusieurs reprises, Haude accroche ainsi des instants d’une infinie tendresse, des réconciliations possibles où le bois sert de support quasi spirituel à notre comédie légère. Les pièces sont ainsi, des assemblages de verticalité fragile et remplies d’espoir, des visages lumineux, peints de kaolin, des masques accrochés le temps d’un carnaval païen. Les dieux sont ravis et lancent au ciel des sifflets admiratifs. Les dieux… « dont nous sommes les esclaves, » disait Pessoa, dont nous sommes les fous, les amis, les chiens et les amant(e)s, dont nous l’humanité dans ce grand arbre de la vie.

Fin juin, l’exposition se construit dans cette ouverture possible. Quelques semaines plus tard Haude Bernabé s’en ira vers le Togo. Dans son sac, un peu de papier, un peu d’ocre et des feuilles sèches. Son envie est de poursuivre la conversation, sur cette terre d’Afrique, au pied de l’arbre.

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« Madame rêve », Haude Bernabé, sculptures en métal, céramique, bois et dessins. Du 30 septembre au 6 novembre 2021, galerie Claire Corcia (Paris).
https://galerieclairecorcia.com/artistes/haude-bernabe/
RC (ZO mag’)
Photos copyright Claude Iverné, et by courtesy galerie Claire Corcia.

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Extrait du texte écrit en juin 2021
« C’était une façon de se construire un petit paradis imaginaire, dans une Nature luxuriante, exubérante, chaude, vivante, bavarde dont l’homme n’était qu’un des éléments. Une Nature dont les Dieux n’ont pas été exilés dans un ailleurs céleste et qui retrouvait sa puissance sacrée avec la poésie qui tendait ses fils d’un continent à un autre. Dans ce temps vide et muet, une brèche s’ouvrait également vers un univers sensible d’autres présences au monde. Le temps en quelque sorte dissolu laissait une place vacante pour les « absents », leur voix en devenait audible et les rêves pleins de leur présence. Peut-être est-ce le seul espace que nos sociétés occidentales leur laissent… » Haude Bernabé.

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