Ethiopie / Atelier / Dawit Adnew / LE MOMENT DE RASSEMBLER

Tout est là, à portée de main. Tout, c’est-à-dire les outils, les dessins anciens, les tableaux récents, la lumière aussi qui entre par les fenêtres ouvertes, et le jardin, en dessous qui diffuse une clarté verte. Tout est là. Dawit Adnew va y passer la quasi-totalité de sa journée. Il fouille dans sa musique, mets de l’eau à chauffer, et explique qu’il est arrivé dans cette vieille maison, il y a huit ans.

« C’est un lieu qui est rempli d’histoire, je veux dire que les premiers peuples d’Ethiopie ont vécu ici, et c’est vraiment le cœur effectif de la ville. » Une maison à étage, en bois et en terre, pas très loin de la Ras Mekonen river qui traverse la capitale. Il a donc aménagé son atelier dans ce vieux bateau, réservant une des pièces à l’exposition de ses toiles et la seconde à son travail. Tout est là, dans un grand ordre-désordre de couleurs, de pots, de carnets, d’étagères, de théières et de casseroles remplies de pigments et de nourriture. Les deux sont certainement synonymes.

« Je passe une grande partie de mon temps à étudier avant de peindre. L’acte de peinture, la réalisation du tableau, s’inscrit dans quelque chose de long. Je prends des notes, je précise des expressions, les positions que j’ai déjà dessinées avant. » Il peut rapprocher cette construction de celle d’une maison, où on rassemble les matériaux, pour une toiture, pour des aménagements intérieurs. Des carnets sont ouverts sur la table. Un livre sur Vélasquez. De grandes feuilles multiplient les angles, les positions des mains. « Puis je prends ma décision. »

Rapprocher cette construction de celle d’une maison, où on rassemble les matériaux, pour une toiture, pour des aménagements internes.

En fait, l’atelier n’est pas un lieu arrêté. Il s’inscrit dans l’instant du tableau. Des éléments du décor s’y adaptent, comme de déplacer une table et de pouvoir poser des feuilles de croquis, à partir desquels le choix se fera. Peut-être que la musique aussi va différer. Les choix sont multiples, de l’éthio-jazz (Mulatu Asatke Ali Fakaure), un disque de Paul Simon, un album de Keziah Jones. Elle participe à ce mouvement, fluide, et la lumière va dans le même sens, assez proche de celle des derniers tableaux consacrés aux femmes-fleurs de l’Omo.

L’atelier est à l’image du jardin originel, La lumière qui entre, comme aux premiers jours des peuples.

On peut donc imaginer le studio comme un lieu de grande activité, une sorte de carrefour, où les idées entrent, se posent, se confirment et se finalisent. En tout cas, un endroit strictement réservé au travail. La question amène une réponse sans ambiguïté. « Avant, ce n’était pas tout à fait pareil. Addis est la capitale du pays et les nuits… sont celles des poètes et des artistes. On avait de grandes discussions, tard dans la nuit. » Il sourit et me dit que ce n’est plus tout à fait la même chose quand on est en famille. Le soir, la lumière est éteinte, la musique aussi, l’atelier est rendu à la paix de la nuit.

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Roger Calmé (ZO mag’)
Photos: Ashenafi Mestcka

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