Il n’y a aucune contradiction à héberger sous un même nom plusieurs peintres. Après tout, la vie est ainsi faite que nous changeons de robes et de costumes selon l’époque. En voyant la très belle exposition de la galerie Ko (Lagos), consacrée à Uzo Egonu, on revient à cette époque très féconde des années 70 à 80 où le peintre nigérian explore avec brio les découpes lumineuses du modernisme. La maîtrise est parfaite, à l’image de ces travailleurs qui boivent leur vin, de ces femmes penchées sur des assiettes ou encore de ce sacrifice des poulets, et qui rappelle soudain que le peintre alors âgé d’une cinquante d’années est aussi Nigérian.
Dans les années trente, la décision de venir en Angleterre, suivre des études d’arts, est d’ailleurs la sienne. L’un de ses meilleurs connaisseurs, Rasheed Araeen, dira d’Egonu qu’il était « peut-être la première personne d’Afrique, d’Asie ou des Caraïbes à venir en Grande-Bretagne après la guerre avec la seule intention de devenir artiste ». Seulement la reconnaissance ne vient jamais facilement.
Ce que la galerie de Lagos ne donne pas à voir, précède cette période « moderne », la plus connue du peintre, la plus « occidentale ». Dans les années soixante, Uzo Egonu continue à figurer son pays et ses habitants. L’influence de l’Occident est possible. Entre autre, dans cette admiration qu’il a pour la peinture de la Renaissance. À cette époque, les tableaux sont encore dans une dominante brune, le ciel et la terre balayés du même vent. Parmi ceux-là, on va citer « la Mère et l’enfant » (1962), ou encore « Nkumah » (1962) et puis cet « Homme du nord » qui traite le personnage comme le fait aujourd’hui Wole Lagunju, drapé et masqué dans une élégance qui est aussi celle du pouvoir.

Quelques années plus tard, Uzo engage une peinture qui fusionne les styles. Le mouvement moderne, né dans les années 1920, qui voisine le Bauhaus et le constructivisme soviétique, trouve chez Egonu une parfaite résonance. Ce sont ces impressions que donne à voir la galerie Ko. Et il est assez formidable de voir que les façons de peindre viennent à des époques différentes, qu’elles peuvent avoir existé ici ou là, mais qu’elles gardent des liens de parenté évidents.
Uzo Egonu a beaucoup fait pour l’intégration des peintres issus de communautés minoritaires. Dans une Angleterre peu encline à accepter les différences d’origine, il pose une synthèse définitive : le modernisme, dont il est une borne importante, peut aussi être un mouvement africain.
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Uzo Egonu, Prints, du 18 septembre au 7 octobre, galerie Ko, Lagos https://ko-artspace.com/exhibitions/24-uzo-egonu-prints/
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos: DR et by courtesy Ko gallery (Lagos)
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