RDC / Dessins / Audry Mputu, une série…DANS LES EAUX TERRITORIALES

D’abord, il y a des navires qui sombrent. Et l’on imagine toutes ces victimes qui s’en vont à la mort, dans les vagues bleues et rouges. Des chaloupes retournées, des mains qui tentent d’agripper le ciel, des marins qui jettent aux cadavres des bouées. La cruauté est là. Elle déborde du dessin. Dans cette absurdité des sourires, dans cet horizon improbable dont on ne peut s’approcher. Elle est dans la mort qui serre contre elle un enfant, habillé d’un gilet orange.

C’est le même drame répété. Dans la noyade, de milliers de bras se tendent. Anonymat et indifférence. A bord de cette chaloupe, le cri se fige.

Ces derniers mois, Audry Mputu a concentré son travail sur cette mer poisseuse, si belle et si fatale, qui mangent les humains. Par dizaines, il a dessiné ces instants du drame. C’est quasiment une chronique qu’il tient de ces disparitions nombreuses autant qu’anonymes. Il met des visages, il fait un ouvrage de mémoire, en refusant que la mer recouvre tout. Elle s’appelle Méditerranée. Elle baigne les beaux rivages de l’Italie et de la Libye. Il faut prendre le temps de ce travail, qui documente de façon fictive ce drame consenti par l’Occident. Régulièrement, la presse en fait état. Puis le silence retombe. Les portes se referment.

Elle est dans la mort qui serre contre elle un enfant, habillé d’un gilet orange.


Rappelons au passage qu’Audry Mputu est aussi l’auteur de cette série (acide) sur le combat du siècle. Kinshasa, 30 octobre 1974. Ce motif, déjà largement
traité, lui a donné néanmoins l’occasion de neuf dessins inédits, qui brassent les sens et demandent… le retour des fétiches. Cette fois, considérable progrès, il déplace en permanence les décors, introduit réellement la couleur, et surtout individualise la tragédie. Chaque scène est singulière et pointe l’effroyable.

La narration est véritablement là, dans ce récit que rien n’altère. Et sur ce paradoxe très juste que nous n’avons qu’une conscience limitée, quasi enfantine, de ce monde. Les personnages du dessinateur sont pris dans les yeux de l’immense projecteur. Un ring fatal, le faisceau d’un phare sur les eaux territoriales.

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RC (ZO mag’)
Photos: A Mputu
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