En découvrant le dernier travail de Simphiwe Ndzube , les critiques ont eu deux hypothèses à présenter. Le critique est un peu comme le médecin de Molière. Il a un air super sérieux et un chapeau noir pointu. Il se penche donc sur le malade et prend un air inspiré. Les premiers ont dit: « l’avenir sera rose, c’est écrit là, entre les deux sourcils » Les seconds n’étaient pas de cet avis: « l’avenir sera pourri, l’artiste se fout de nous! Nous courons à la catastrophe. » « Oracle of the Pink universe » présentait pourtant une bonne face réjouie. Distordue et bienveillante, comme le sont certains épisodes sous LSD, dans l’attente de la destruction simultanée des mille cités jumelles.
Dans l’intimité, Simphiwe Ndzube semblait ne pas trop s’en faire. Les démonstartions ne sont pas son affaire. Comme le disait un poète: « on est là pour regarder le défilé! » Dans une débauche de mauves et d’orangés, il dessine une apocalypse foraine, une grand manège désenchanté. Attention peinture fraîche, est-il écrit sur les chevaux de bois. Ca sent bon la comédie, les musiques de Nino Rota et les rues de Rome au petit matin. Le surréalisme a du bon, nul besoin de demander un visa aux autorités revêches.

Dans cette juxtaposition des réalités, Simphiwe Ndzube rappelle d’ailleurs ce que les écrivains sud-américains ont nourri tout au long du 20ᵉ siècle. Une histoire et ses dérapages permanents. Dans la narration objective, de nombreuses fissures laissent échapper des vapeurs, des liquides, des images colorées et détraquées. L’univers rose (The Pink universe) est en train de glisser sur l’autre versant.
Le monde selon Ndzube est donc double, comme toute l’Afrique d’ailleurs, tout comme la mer Caspienne. Prise entre les mondes, entre les histoires qu’on lui raconte, entre le plastique contemporain et le minéral millénaire, entre la couleur pourpre du ciel et cette terre bleue qui va jusqu’au temps d’hier et nous chuchote que la déraison n’est pas ici, mais que l’on s’en approche. L’Afrique écoute et se demande à un moment si la climatisation est bien nécessaire.
En fin de compte, laquelle de toutes ces histoires faut-il croire ? De toutes ces dialectiques sorties d’un baratin commercial? L’univers rose? plastoc génial aux options multiples, réglable en trois mensualités. L »univers noir? sorti d’une nuit plus douce que les jours qui l’entourent, satellites et illusoires. L’un et l’autre ne coulent-ils pas de la même bouche et du même tube? Dans un coin, Ndzube éternue, se mouche, rigole. Il a trente ans, sur une route californienne, dans le radio cassette un vieux morceau de Jefferson Airplane.
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« Oracles of the Pink Universe », du 13 juin au 12 sept. 2021, Denver Art Museum (DAM), Denver (USA).
RC (ZO mag’)
Photos: Simphiwe Ndzube et by courtesy Denver Art Museum
https://www.denverartmuseum.org/en/exhibitions/simphiwe-ndzube
Repères
Simphiwe Ndzube (né en 1990, Le Cap, Afrique du Sud) vit et travaille à Los Angeles (USA) et au Cap (Afrique du sud). Il a obtenu son baccalauréat en beaux-arts de la Michaelis School of Fine Arts en 2015.
Principales expositions:
2021: Oracles of the Pink Universe, Denver Art Museum, (USA)
Like the Snake that Fed the Chameleon , Nicodim Gallery, Los Angeles (USA)
Lignées, NSU Art Museum, Fort Lauderdale
2020: The Fantastic Ride to Gwadana , Stevenson Gallery, Johannesburg (Afrique du sud)
2019: Où l’eau se conjugue avec d’autres eaux, 15e Biennale de Lyon (France)
People , Jeffrey Deitch, Los Angeles(USA).
2018: Nouvelles acquisitions , Rubell Museum, Miami (USA)
Waiting for Mulungu , CC Foundation, Shanghai (Chine).
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