Ghana / Plasticien / Patrick Tagoe-Turkson DES SENTINELLES DE COULEURS REGARDAIENT LE CIEL

Un enfant observe la mer et il est abasourdi par l’immensité. Les vagues font des rouleaux considérables et son regard se perd dans l’horizon sans fin. Que voit-il, à l’âge de 6 ou 7 ans, assis sur cette plage, ses mains en train de fouiller le sable ? Tagoe-Turkson perçoit l’immense qui est le rêve impossible et le rivage à ses pieds, entre ses doigts, comme la frontière entre les mondes. Au fil de la conversation, il confie cette découverte « qui est d’abord celle du jeu. De courir, de construire, de regarder l’eau qui amène des choses, des morceaux d’histoires, et puis qui emporte.  » La mer est un temps narratif. Elle évoque. Elle devient une parole qui écrit au rivage. « Ma sensibilité pour la nature est née sur cette plage, » dit-il plus loin.

La conversation des géants disparus, Cape Coast (août 2021), ph P. Tagoe Turkson.

Depuis qu’il a débuté son travail, il y a en gros une dizaine d’année, l’espace maritime est au cœur de sa pulsation. Patrick Tagoe-Turkson le traduit, il le questionne, il intervient physiquement de multiples manières. Mais une idée prévaut toujours. De façon très comparable aux artistes du land art, son intervention est toujours la plus légère possible. Elle participe de moyens légers, des traces éphémères et la mémorisation est le plus souvent photographique. On pense alors au travail de Nils Udo qui pose sur le végétal le même regard, juste un clignement enregistré dans le dépouillement d’une image. Au milieu de cette image, apparait parfois l’humain, lui-même, qui sert d’interface entre la mer, le rivage et la question posée. Celle qui nous taraude tous, cette interrogation liée à notre place et notre temporalité.

 » Tout est posé, à la fois de façon définitive et très temporaire. J’ai pensé au temps, à ces arbres qui sont les témoins assez totémiques de la durée. » P. Tagoe Turkson

Il y a quelques jours, le plasticien ghanéen pose sur la table une nouvelle série de clichés. L’environnement reste le même, à savoir cette berge vivante, lieu de toutes les expérimentations. Patrick resitue brièvement le lieu et son importance : « Tout vient de ce rivage. La vie sans doute, et puis l’histoire, l’envie, les drames, la beauté… » Tout est posé, à la fois de façon définitive et très temporaire. J’ai pensé au temps, à ces arbres qui sont les témoins assez totémiques de la durée. Le vent souffle. » Il poursuit en disant que ces vigies courbées, marque une frontière. « Et puis un jour, ils disparaissent. Voilà, il ne reste plus que des troncs coupés. Les racines plongent dans le sable. »

Le rivage dans la dimension du temps, et des palmiers, confidence de la durée qui s’écoule.

La série s’appelle « Testimony of the ghost » (le testament du fantôme). Cette fois, Tagoe-Turkson va habiller ces troncs gris. La couleur revient, dans une mosaïque de motifs, languettes plastiques, ramenées, elles aussi, du rivage, semelles de tongs multicolores, qu’il « tisse » en de larges étoffes. Le plasticien les enroule ensuite autour de ses sentinelles défuntes. L’habillage confère évidemment de multiples significations. Un instant, vient l’idée d’une cour, autour d’un roi disparu. Des témoins immobiles, des dignitaires , courbés sous le vent, qui marchent. L’humanité.

Au fond, cette question donne à l’ensemble sa cohérence. A la fois de l’œuvre bien sûr, mais aussi de l’environnement, construit à une toute autre échelle, qui est un organisme, régi par des lois similaires, où la vie se fait et se défait dans une précarité similaire. Pour la petite histoire, Partick Tagoe-Turkson avait pensé au départ porter son regard différemment :  » Si ce n’était pas si compliqué d’un point de vue technique, je travaillerais volontiers en haut des arbres…« . On imagine ce que le ciel, tout comme la mer immense, ouvre de perspectives. En attendant ce dialogue prometteur avec les nuages, la lumière et le vent, ses sentinelles arpentent la lisière de l’eau et du temps passé. Elles sont l’enfant assis dans le sable, elles sont l’humanité qui lance des ballons de couleurs… et que le ressac lui ramène, un jour paisible, d’août 2021, au Cape Coast.

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Roger Calmé (ZO mag’)
Photos: DR et Patrick Tagoe-Turkson

Repères: Patrick Tagoe-Turkson est un plasticien, né en 1978. Il est gradué de la Kwame Nkrumah University of Science and Technology, Kumasi (Ghana). Il est co-fondateur de Lontoba Art Studio and Aesthete Ghana, à Takoradi (Ghana).

Principales installations:
2021: Akikakika, Accra (Ghana)
2020: Jail Walls, Gujarat (Inde)
2019: Emotional Massage, Darmstadt (Allemagne), Repurposed 2019, Indianapolis (USA), Cloth for a Dying Tree, Kawanishi (Japon), Beacon Flower, Riviera Maya, (Mexique).
2018: Empty Battle 2018 Takoradi (Ghana).
2017: Drum Rolling, Doué-en-Anjou (France).
2016: Stories of Rain 2016, Cape Town (Af sud).
2015: Intrinsic, Accra (Ghana).
2010: Emotional Seasons and Holy Grounds, Gongju (Corée du sud).

Dernières expositions:

2021: Akikakika: Aphorism in Contemporary Asafo Flag Art, Nubuke Foundation Online Gallery (Ghana).
Textures, expo collective, Out of Africa Gallery, Sitges, Barcelone (Espagne).
Trash art – Part of Us: Gallery Lm, Ulfborg (Danemark)
HAF Connects: the sustainable art of plastics, Beachwood Community Center, Ohio (USA).
2020: Art and Conflict: International Art Exhibition, Bilsemat and Cap Foundation, Istanbul (Turquie).
Beyond Killa, Killa Pardi, Gujarat (Inde).
Imprints of Ghana, Gallery LM, House for Art and Design, Holstebro, (Danemark).
African Art Exhibition, Calabar Gallery, New York (USA).
Concrete Limbo: Haus der Statistik, Berlin (Allemagne).
2019: Repurpose: Kuaba Gallery, Indianapolis (USA).
GNAP- Germany: International Nature Art Exhibition, International Forest Art Centre, Darmstadt (Allemagne).
Les contemporains: Alexis galleries, Victoria Island, Lagos.
Crossing Borders: 10 dence gallery, Gand (Belgique)
2018: Collaborative Future, Global Art Project VII, Espace Sabobade, Dakar (Sénégal).
Art X- Lagos: 2nd International West African Art Fair, Civic Centre, Victoria Island, Lagos (Nigeria).
Limbo-Accra: Uncompleted Home in Adjiriganor, East Lagon, Accra.
Special Exhibition: Echigo-Tsumari Art Triennale, Nakago Green Park, Kawanishi (Japon).
12x1x12+Nature: Nature Art Cube Exhibition , International Nature Art Centre, Gongju, Chungnam (Corée).
2017: Atiitee: Homage to the Aquatic Habitat, Nature Art Performance, Kumasi and Cape coast (Ghana).
Orderly Disorderly: Museum of Science and Technology, Accra (Ghana).
Art X- Lagos: 1st International West African Art Fair, Civic Centre, Victoria Island, Lagos (Nigeria).
GNAP- France: International Nature Art Exhibition, Les Perrières Theater, Doué-en-Anjou (France).
Fusion III: Faculty of Applied Arts Technology, Takoradi Technical University, Ghana

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