Quand il ouvre en février dernier l’exposition « Résiste », Florian Azzopardi peut légitimement éprouver une double satisfaction. La première est d’avoir convaincu Sejiro Avoseh d’y participer. Le Nigérian est un artiste politiquement engagé, qui dénonce en permanence les égarements et les exactions du régime d’Abuja. Ensuite, sur les murs de la galerie parisienne, apparaît aussi Salifou Lindou. Non seulement, le Camerounais est une signature internationale, mais il vient également de proposer une série sur les politiciens. Un sujet explosif ? Disons plutôt que sa manière d’aborder le personnage n’a rien à voir, mais rien du tout, avec ce que l’on pourrait imaginer.

Alors qu’Avoseh décharge avec violence le propos, Salifou a choisi un traitement beaucoup plus ironique. Et si ce mot ne convient pas, attentif à la comédie plus qu’au drame. Originaire de Foumban, d’une province violemment exposée au conflit entre Yaoundé et les séparatistes, Salifou prend un recul singulier, très rare, et qui peut rappeler les dessins de presse du 19ème siècle. D’ailleurs, est-ce un hasard si Le Monde a récemment repris l’un de ses travaux pour un article sur le putsh au Mali?
Démonstratifs comme des marchands de casseroles, sur un marché… un matin à Douala, à Lagos ou sur le parking de Sarcelles.
Bref, le peintre préfère dépeindre les mouvements de manches, les effets du visage, la posture et nous convaincre ainsi que ces petits bonhommes sont à notre image, au comptoir de la vie, en train de faire le beau, de siroter leur certitude, de se tromper, de se réconcilier, c’est du Feydeau, et de s’embrasser au besoin sur la bouche.
Dans un texte qu’elle lui consacre, Ruth Belinga (historienne de l’art) l’explique ainsi : » l’Homme (…) est au centre du travail de Salifou. Ses dessins montrent des silhouettes fortes, mais fragiles en même temps, dans des univers chaotiques où l’homme libère ses pulsions, conjure son angoisse, décharge son agressivité, c’est pleinement humain. » Et pour cela, il fixe le sentiment et le geste dans un graphisme de fils entrelacés, de traits judicieusement embrouillés, réseau de raisons perdues et retrouvées. « Les Politiciens » sont dans cette parade monochrome, sans couleur, mais avec grand bruit, démonstratifs comme des marchands de casseroles, sur un marché… un matin à Douala, à Lagos ou sur un parking de Sarcelles.

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Salifou Lindou, « les Politiciens », galerie Afikaris.
Actuellement visible à Paris Art Fair, Grand Palais Éphémère, Booth J2, Paris.
http://www.afikaris.com
RC (ZO mag’)
Photos: DR and by courtesy Afikaris gallery
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