« Hybridité » est un mot que Miatta Kawinzi utilise fréquemment. Il revient dans son travail, ses catalogues d’expo, sa façon de se nommer et de s’habiller. De façon visible donc, mais aussi plus profonde dans son fonctionnement. Ce pourrait être une reconnaissance de terrain futuriste. Erreur, (wo)man! Nombre d’organismes, d’histoires, d’automobiles, des œuvres d’art (sonore, plastique, numérique, performée…), de sentiments sont déjà hybrides. Miatta accepte cette éventualité en ce qui la concerne. Comme il est écrit dans ses biographies, « Il / elle », au singulier et au pluriel, objet-organisme sérieusement schizophrène, née entre l’amrka et l’afrka, de ce Continent ou d’un autre, dans l’enchevêtrement, autre mot fondamental.

En mai dernier, la CUE Art Foundation (New York) installe dans ses murs un travail récent « Soft is strong », conduit avec Ronny Quevedo (Équateur). Cette proposition a été sélectionnée à l’unanimité par un jury composé de l’artiste Guadalupe Maravilla, du commissaire Sohrab Mohebbi, de l’artiste Ronny Quevedo et du commissaire Legacy Russell. Dans ce corpus, Miatta développe « une réflexion sur les relations entre la douceur, la fragilité, la force et la condition diasporique africaine de la fragmentation en tant que site de possibilité plutôt que de manque. » L’option est très différente.
« Je m’intéresse aux capacités réparatrices de la douceur pour nous tenir à travers le tumulte, au-dessus des fissures. » Miatta Kawinzi
Jusque là, les acteurs culturels, plasticiens et autres, écrivains, sculpteurs, musiciens ont parlé de la recouvrance et de la réappropriation nécessaires. Miatta propose un autre angle. Elle s’intéresse à une possible régénération. Dans cet enchevêtrement de sons, d’images arrêtées et mobiles, de couleurs qui passent, de sièges posés devant des écrans funky, cliniques et prometteurs, d’espaces apaisés, c’est au futur que Miatta Kavinzi considère la vie communautaire, l’existence personnelle. la relation à l’espace. Dans cet enchevêtrement de pulsations, trouver un autre sens, possible, tendre et non arrêté.

« Ces œuvres (…) sondent le potentiel de régénération et de renouvellement. Ici, je m’intéresse aux capacités réparatrices de la douceur pour nous tenir à travers le tumulte, au-dessus des fissures ; graines éparses une cartographie de la continuité, » explique-t-elle au moment de l’exposition. Les mains trouvent ici une place importante, puisqu’elles participent de façon évidentes au langage, qu’elles expriment, avec la même précision que le mot, l’attirance, l’acceptation ou au contraire le rejet. Elles sont dans le format carré, noires et blanches, aussi belles que les fleurs qu’elles tendent. Ce sont des mains hybrides qui prolongent le sens.
Dans cette exposition, Miatta a mis en exergue une ligne tirée du roman « Beloved », de Toni Morrison. Ce sont trois mots très simples: « Elle me rassemble ». Relire l’histoire de Sethe et du fantôme de sa fille, de ce sacrifice d’amour, le plus terrible, qui est de donner la mort à son enfant. Miatta croit au fin fond de l’obscurité en une possible régénération. Mais il faudra pour cela réinventer des mots, réinventer un corps, une perception du monde. Et un jour…
L’artiste film alors ce que serait les déplacements de ce corps dans ce refus de la pesanteur, de l’emplacement des planètes et des fissures tectoniques. « Ce qui était / statique, desserré devient élastique, poreux /nouvelles cartographies / des espaces / d’où s’infiltre la lumière noire, » écrit-elle. Un être en mouvement, libre de celui-ci, qui grimpe à la verticale, une femme/homme qui bondit par-dessus les abîmes, ignore l’attraction terrestre, perçoit la lumière comme un son, une femme/homme/enfant et très ancienne, tellement qu’elle se souvient avoir été d’une autre espèce, d’une autre matière. Libre et enchevêtrée.
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos DR et Miatta Kawinzi
https://mkawstudio.com/home.html

Repères:
Miatta Kawinzi (elle/elle/ils/elles) est une artiste, écrivaine et éducatrice multidisciplinaire kenyane-libérienne-américaine, élevée à Nashville (Tenessee) et Louisville (Kentucky). Depuis 2010, elle est basée à Brooklyn (New York).
Elle est titulaire d’une maîtrise en art studio du Hunter College, et d’un baccalauréat en art interdisciplinaire et théorie culturelle du Hampshire College.
Son travail a été présenté à la CUE Art Foundation, au Studio Museum de Harlem, au MoMA PopRally, au Red Bull Arts Detroit, au BRIC, au Maysles Cinema et au Museum of the Moving Image, entre autres…
Expositions personnelles
2021: Soft is Strong, CUE Art Foundation, New York, (USA).
2017: ( beneath ), The Bag Factory, avec le soutien de Foundation Contemporary Arts Emergency Grant.
2011: Am I Phthalo Blue?, 3rdEye(Sol)ation Gallery, Brooklyn, New York (USA).
2010: The Poetiques of the Fragment, Hampshire College Art Gallery, Amherst, MA (USA).
Dernières expos collectives
2020: Decameron TV, Red Bull Arts, en ligne.
Constance DeJong: Digital Constellations, Hunter College Leubsdorf Gallery, New York (USA) en ligne.
Exploring Passages Within the Black Diaspora, Photographic Center Northwest, Seattle (USA).
2019: Beyond Space, The Carr Center Contemporary Gallery at the Park Shelton, Detroit (Michigan)
Double Real, Burchfield Penney Art Center, Buffalo (NY).
Lots of Flying Objects, Beta-Local at the Queens Museum, Queens (NY).
Resident Artist Exhibition, Red Bull Arts Detroit, Detroit (MI)
Harlem: In Situ, Addison Gallery of American Art at Phillips Academy, Andover (USA).
2018: Alchemy,BRIC, Brooklyn (NY).
Social Objects,* CTRL+SHFT Collective, Oakland, Californie (USA).
Breath/string/body, Open Studio, Cité internationale des arts, Paris (France).
Harlem Postcards: Wish You Were Here, Studio Museum 127, New York (USA).
2017: Their Own Harlems, The Studio Museum in Harlem, New York.
FNB Joburg Art Fair, Sandton Convention Centre, Johannesburg (Afrique du sud).
COMM | ALT | SHIFT, Aljira Center for Contemporary Art, Newark (New Jersey).
12 x 12, Black Ball Projects, Brooklyn (NY).
make___place, New York Immigration Coalition, New York (USA).
Of Soil & Tongues, Hampshire College Art Gallery, Amherst, (USA.
The Whitney Houston Biennial: Greatest Love of All, chashama at XOCO 325, New York.
Known Unknowns, 86 Orchard St, New York.
2016: Harlem Postcards, The Studio Museum in Harlem, New York.
InLight, Presented by 1708 Gallery, Richmond (USA).
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