Personne ne sait très bien de quelle façon débute le monde. S’il fallait trouver une comparaison, on serait bien embêté. Un enfant chuchote à l’oreille de Patrick Tagoe-Turkson que c’est une forêt. Au centre, il y a une falaise en basalte. La roche est noire comme le coeur de l’oeil. Au milieu, coule une immense émeraude. C’est très beau, dit l’enfant, qui a déjà eu l’occasion de connaître cette partie du monde.
Patrick Tagoe-Turkson se souvient plus tard de ce renseignement. Il dessine alors la verticale première. L’impression est majestueuse. Le plasticien l’a figurée comme une bibliothèque, de connaissances anciennes, si lointaines que leur alphabet est tombé dans l’oubli. Mais il s’agit de la première écriture, faite d’une lettre verticale et d’une eau de sonorité verte. La cascade jaillit du coeur de la pierre. La cascade est le savoir vivant, né de la paroi où sont alignés les éléments ordonnés de la mémoire.

Dans cette oeuvre, comme dans les dialogues photographiques qu’il entretient avec l’océan, Patrick Tagoe-Turkson réinvente des langages, superpositions possibles du temps et de la matière. Après tout, celle-ci n’est qu’une forme temporaire que le temps donne aux choses. Dans cette oeuvre, la durée est noire et immobile, et la matière lumineuse et vivante. Elle est l’invention possible, libre, qui va entre l’immobile et l’oeil de l’enfant. L’enfant dit: il y a une cascade et son coeur est une pierre liquide.
Kloklo, sandales récupérées, 1 m x 1, 27 m (2021)
RC (ZO mag’)
Photo: P. Tagoe-Turkson
A lire aussi: Ghana / Plasticien / Patrick Tagoe-Turkson / EPHEMERES | ZO mag’ (zoes.fr)
Laisser un commentaire