Un espace noir qui présente le corps de l’individu et une partie blanche pour le restant de la toile, les vêtements, le décor… La figuration dans le travail de Sungi Mlengeya est réduite au strict minimum. Et cette simplicité s’affiche comme une prise de liberté. « De cette façon, explique-t-elle, je peux totalement me concentrer sur l’histoire de ces femmes. Rien ne perturbe le regard. » La proximité n’a jamais été plus complète, entre celui qui regarde et celle qui dit; entre la peinture et la personne à laquelle elle s’adresse. Puisque les mots sont dans ces yeux, dans ces mains, dans cette fraternité qui se tisse.


L’exposition présentée à Kampala, galerie Afriart, poursuit donc cette exploration. Le titre est d’ailleurs dans la même tonalité que lors de 1-54 New York, l’an dernier. « Just a perturbation » montre ces femmes, dans une possibilité de liberté absolue. Elles volent, elles nagent au travers de l’espace. Plus rien ne leur est interdit. « Pendant longtemps, les femmes noires ont été associées aux épreuves et à la souffrance. Dans mes peintures, elles s’élèvent au-dessus de tout cela et deviennent juste elles-mêmes. » Et cet espace blanc, vierge de toute trace, est un lieu où peut s’exprimer leur identité. Pleinement, sans la moindre perturbation de couleurs, de décor, de mouvement parasite.
Tout le travail de Sungi Mlengeya est tourné vers la quête de liberté. L’an dernier, suite aux premières restrictions de la crise-crise, elle incitait les gens à abolir de toutes les façons possibles la distanciation mentale… et de refuser certaines contraintes plus graves que le masque ou la distanciation. Sungi Mlengeya peint donc la vie « possible ». Celle pour laquelle on pose des choix, à laquelle on peut sacrifier quelque chose, mais en sachant aussi que la liberté est à ce prix. La vie est à ses yeux une décision.
Bien plus dangereux qu’un possible complot, une fiction planétaire et cataleptique, nos modes de vie sont des castrations plus définitives encore. La liberté de penser, de rencontrer, de se mouvoir sont des antidotes efficaces. Et dans ces conditions là, les couleurs ont toutes les chances de revenir.

De la nécessité de lire… (extrait de l’interview à Between 10Hands (10 mai 2021)
« La littérature joue un rôle important dans mon travail, en contribuant directement à la formation d’idées et de concepts sur le monde dans lequel je vis. Beaucoup de mes actions peuvent être motivées (consciemment ou non) par des raisonnements qui suivent certaines de mes lectures. Je suis inspirée par la façon dont Chimamanda Ngozi Adichie communique avec confiance et clarté sa position féministe dans ses écrits. Et comment Ayobami Adebayo raconte l’histoire de Yejide dans son roman « Stay With Me », à propos de la situation que subissent nombre de femme comme génitrices.« Sungi Mlengeya
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« Juste des perturbations », du 19 juin au 19 août 2021,
RC (ZO mag’)
Photos: Sungi Mlengeya, avec l’aimable autorisation de la Galerie Afriart.
https://afriartgallery.org/exhibitions/just-disruptions-sungi-mlengeya
Repères
Sungi Mlengeya est née en 1991, en Tanzanie. Elle est autodicdate, a suivi des études de commerce (baccalauréat) et occupé un poste d’employée bancaire jusqu’en 2018.
Son travail a été exposé à Cape Town Art Fair 2020, Latitudes Art Fair 2019 et à l’exposition « « Surfaces » 2019, à la galerie Afriart de Kampala, montée par Henry ‘Mzili’ Mujunga.
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