Bénin / Plasticien / Achille Adonon, un tableau… AU PLUS PROFOND DE LA NUIT

L’obscurité de l’esprit est mille fois plus inquiétante que la nuit. Elle est comme la pièce interdite d’une maison. Un espace dont on ne parle pas, et dans lequel se déroule un abominable cérémonial. Bien sûr, on ignore quels sont les maîtres de ce lieu. Le jour, ils se replient sur eux eux-mêmes et s’accrochent aux poutres de la charpente. Leurs sifflements se mêlent aux cris des torturés.

Le tableau s’appelle « la nuit noire » et il s’intègre à une série produite à une époque de grande injustice. Achille Adonon dénonce depuis plusieurs années cette cruauté infinie de l’humain pour l’humain. Sa dernière exposition en 2020, « le Monde fond » (Centre de Godomey, Bénin) évoquait la disparition d’un petit village, englouti par les pires calamités. C’était une vision réaliste et abstraite de notre condition africaine, suggérait-il. Les enfants sont sacrifiés, les anciens jetés dans des fosses d’oubli. Le massacre ne fait que commencer.

« La nuit noire » avance dans cette matière qui est le lieu cérébral du supplice. La toile rouge est tailladée de coups de scalpel. C’est un acte de mutilation qui est pratiqué: «  j’ai travaillé sur une toile libre, accrochée à un pan de mur. Après la phase préparatoire, j’ai commencé par appliquer, en m’inspirant de l’acting painting de Pollock, la matière picturale. (…) Une fois le rendu sur la toile libre obtenu, je me suis permis, à l’aide d’un cutter, de saigner la toile. » La façon de l’écrire reflète la cruauté de l’acte. Adonon traduit ainsi l’acte barbare auquel se livre les gouvernants. Il le dit sans la moindre ambiguïté. « C’est un massacre qu’ils commettent. » 

« Les coups saignants du cutter sont les peines, et autres blessures infligées partout dans le monde. » A. Adonon

Aux côtés de deux autres peintures, la « Danse des esprits » et « Racines », ce tableau ouvre une sorte de blessure inguérissable. C’est de cette béance que nous naissons et que nous mourons. De ce sacrifice mille fois répété, que nos pauvres vies sont faites. La pièce est obscure et retentit de nos cris.  » Je souhaite construire une imagerie au-delà du  simple cadre de la peinture pour dénoncer ceux qui sucent le peuple. Les coups saignants du cutter sont les peines, et autres blessures infligées partout dans le monde. » Aux poutres du toit, pendent des masses sombres, ramassées, repliées, comme d’abominables cocons. Dans ces tissus sombres et puants, dort le vampire.

« La nuit noire », 1, 70 x 2, 30 m. Technique mixte sur toile (2021).
RC (ZO mag’)
Photo DR et A. Adonon.

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