C’est une femme dans une cuisine. Et déjà on peut en faire toute une histoire. Parce que ces deux choses, attachées l’une à l’autre, font comme un grincement de porte et de dents. Fatimah Tuggar commence par ce sourire. La femme est en train de préparer à manger. Sa mine en dit long. Qu’elle soit en Amérique ou à Lagos, c’est du pareil au même. Faut cuire le riz et les légumes, pour sept personnes.

Fatimah Tuggar est une femme précise dans ses ingrédients. Elle travaille ses photomontages avec les meilleurs logiciels. Le collage virtuel est parfait. Au-dessus de la ménagère de trente ans (jolie fille), des objets spaciaux sont en vol stationnaire. Nos ciels sont encombrés de ce type de satellite. Ils portent tous des noms de grandes marques. L’étage supérieur de nos consciences, sponsorisé par Chanel et Dolce Gabbana.
La plasticienne pose une fois encore ce formidable regard sur notre quotidien, exempt de tout cynisme, réaliste mais lucide. Parce que c’est ainsi que la vie américaine déroule ses bannières pas très étoilées. Il faudrait revenir au fondement du pop art et replacer le propos de Fatimah Tuggar dans la perspective politique du moment. Le refus de tout cet attirail. Le Nigeria, comme l’Afrique du sud a une conscience aigu de la situation. L’auteure nigériane Chikwenye Okonjo Ogunyemi en parle très bien, et puis Chimamanda Ngozi Adichie bien sûr. Entre Lagos et Washington.



Alors Fatimah assemble les images, et on est dans cette cuisine qui mélange l’huile de palme et les bouteilles de Budweiser, la musique de Fela et les parfums parisiens. La télé est allumée, personne ne la regarde. Donald Trump vient de faire son coming out.

« Au-delà des apparences. Il était une fois, il sera une fois », du 16 décembre 2020 au 30 mai 2021, les Abattoirs, Toulouse.
RC (ZO mag’)
Photo: © Fatimah Tuggar
Repères /
Fatimah Tuggar est née à Kaduna, au Nigéria en 1967. Elle a obtenu son baccalauréat en beaux-arts (Kansas City Art Institute) et sa maîtrise en beaux-arts (université de Yale). Elle vit actuellement à Memphis (USA).
De nombreuses expositions ponctuent sa carrière. le Museum of Modern Art (New York), le Mori Art Museum (Tokyo), le Brooklyn Museum, la Biennale de Gwangju et la Biennale d’Istanbul. Mais aussi le Metropolitan Hospital de New York (2013) qui montre son travail dans une salle d’attente. Plus de 25 pays l’ont exposée.
En 2019, elle reçoit une bourse Guggenheim.
Enseigne aujourd’hui au Kansas city Art institute (USA)
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