Ce n’est pas une guerre. Avec un dรฉbut et une fin, un conflit circonscrit dans le temps, le nombre de ses victimes et l’inscription gรฉographique bien dรฉlimitรฉe. Ce n’est pas une guerre, mais dix ou quinze. Leurs massacres se succรจdent sur un demi-siรจcle. Elles portent tous les noms possibles: libรฉration, indรฉpendance, civiles, populaires, issues de la guerre froide, du marxisme-lรฉninisme, contre l’Erythrรฉe, contre la province du Tigrรฉ… Des millions de morts, la faim, le dรฉplacement, l’immense dรฉsarroi. Michael Hailu Teferra regarde dans le vide. C’est de cela qu’il voulait parler.

Il y a quelques mois, le peintre รฉthiopien laisse un instant ses grandes toiles figuratives. Il s’agit souvent de visages tourmentรฉs, pris dans des remous de couleurs. La toile est muette, mais habitรฉe de cris. Changement complet de registre, Teferra pose sur ses images photographiques un silence quasi mortuaire. Car c’est bien de la mort dont il est question. Des corps allongรฉs, couverts d’un linceul. Des corps immobiles dans une lumiรจre qui est celle de l’harmattan, jaune et poussiรฉreuse, dans l’attente de la tombe.
« …๐ค’๐ฆ๐ด๐ต ๐ค๐ฐ๐ฎ๐ฎ๐ฆ ๐คฬง๐ข ๐ฒ๐ถ๐ฆ ๐ฏ๐ฐ๐ถ๐ด ๐ง๐ข๐ช๐ด๐ฐ๐ฏ๐ด, ๐ฑ๐ฐ๐ถ๐ณ ๐ญ๐ข ๐ฑ๐ฉ๐ฐ๐ต๐ฐ ๐ฅ๐ฆ ๐ฎ๐ข๐ณ๐ช๐ข๐จ๐ฆ, ๐ขฬ ๐ญ๐ข ๐ฎ๐ฐ๐ณ๐ต ๐ฅ’๐ถ๐ฏ ๐ค๐ฐ๐ฏ๐ซ๐ฐ๐ช๐ฏ๐ต. ๐’๐ช๐ฎ๐ข๐จ๐ฆ ๐ต๐ฐ๐ถ๐ณ๐ฏ๐ฆฬ๐ฆ ๐ค๐ฐ๐ฏ๐ต๐ณ๐ฆ ๐ญ๐ฆ ๐ฎ๐ถ๐ณ » M.H Teferra
« ๐๐ฆ ๐ท๐ฆ๐ถ๐น ๐ฑ๐ข๐ณ๐ญ๐ฆ๐ณ ๐ฅ๐ฆ ๐ญ๐ข ๐จ๐ถ๐ฆ๐ณ๐ณ๐ฆ, ๐ฅ๐ฆ ๐ต๐ฐ๐ถ๐ต๐ฆ๐ด ๐ค๐ฆ๐ด ๐จ๐ถ๐ฆ๐ณ๐ณ๐ฆ๐ด ๐ฒ๐ถ๐ช ๐ฏ๐ฐ๐ถ๐ด ๐ค๐ฐ๐ฏ๐ฏ๐ข๐ช๐ด๐ด๐ฐ๐ฏ๐ด. ๐๐ค๐ช ๐ฆ๐ฏ ๐๐ต๐ฉ๐ช๐ฐ๐ฑ๐ช๐ฆ ๐ฆ๐ต ๐ข๐ช๐ญ๐ญ๐ฆ๐ถ๐ณ๐ด. ๐๐ฆ๐ด ๐ท๐ช๐ด๐ข๐จ๐ฆ๐ด ๐ค๐ฐ๐ถ๐ท๐ฆ๐ณ๐ต๐ด ๐ฅ๐ฆ ๐ท๐ฐ๐ช๐ญ๐ฆ๐ด ๐ฆ๐น๐ฑ๐ณ๐ช๐ฎ๐ฆ๐ฏ๐ต ๐ค๐ฆ ๐ฅ๐ฆ๐ถ๐ช๐ญ. ๐๐ฐ๐ฎ๐ฎ๐ฆ ๐ญ๐ฆ๐ด ๐ค๐ข๐ฅ๐ณ๐ฆ๐ด ๐ฅ๐ฆ๐ด ๐ฑ๐ฉ๐ฐ๐ต๐ฐ๐ด ๐ฒ๐ถ๐ฆ ๐ญ๐ฆ ๐ฑ๐ฆ๐ณ๐ด๐ฐ๐ฏ๐ฏ๐ข๐จ๐ฆ ๐ฑ๐ณ๐ฆฬ๐ด๐ฆ๐ฏ๐ต๐ฆ, ๐ฎ๐ข๐ช๐ด ๐ขฬ ๐ญ’๐ฆ๐ฏ๐ท๐ฆ๐ณ๐ด. ๐๐ข๐ฏ๐ด ๐ญ๐ฆ๐ด ๐ฎ๐ข๐ช๐ด๐ฐ๐ฏ๐ด, ๐ค’๐ฆ๐ด๐ต ๐ค๐ฐ๐ฎ๐ฎ๐ฆ ๐คฬง๐ข ๐ฒ๐ถ๐ฆ ๐ฏ๐ฐ๐ถ๐ด ๐ง๐ข๐ช๐ด๐ฐ๐ฏ๐ด, ๐ฑ๐ฐ๐ถ๐ณ ๐ญ๐ข ๐ฑ๐ฉ๐ฐ๐ต๐ฐ ๐ฅ๐ฆ ๐ฎ๐ข๐ณ๐ช๐ข๐จ๐ฆ, ๐ขฬ ๐ญ๐ข ๐ฎ๐ฐ๐ณ๐ต ๐ฅ’๐ถ๐ฏ ๐ค๐ฐ๐ฏ๐ซ๐ฐ๐ช๐ฏ๐ต. ๐’๐ช๐ฎ๐ข๐จ๐ฆ ๐ต๐ฐ๐ถ๐ณ๐ฏ๐ฆฬ๐ฆ ๐ค๐ฐ๐ฏ๐ต๐ณ๐ฆ ๐ญ๐ฆ ๐ฎ๐ถ๐ณ », explique-t-il. Ils ont fait ainsi ร la disparition de son pรจre. Lui aussi… Et puis cette lumiรจre. Ce monochrome de clartรฉ indรฉcise, faite de sable et de poussiรจre. Nous sommes poussiรจres, dit-on quelque part…



Deux images temporelles en somme. La photo รฉvoque le passรฉ. La peinture parle au prรฉsent, d’une sociรฉtรฉ prise dans les remous du temps. Souvent, les visages d’Hailu Teferra apparaissent, sous un coup de brosse sombre. Morts ou vivants, nous portons la cicatrice de l’effacement.

Roger Calmรฉ (ZO mag’)
Photos: M.H. Teferra
Peintures visibles sur: http://www.seitinger.cc/?page_id=1382
Laisser un commentaire