Sur une image, Britanny Tucker est assise dans un bar et parle avec un personnage sommaire, inspiré d’un dessin animé pour les gosses. Le type est blanc, il est totalement improbable, il appartient au monde de l’enfance en somme. Cet autoportrait en dit déjà pas mal sur le travail de la jeune artiste américaine installée à Vienne (Autriche). Image réelle, image fantasmée, réduction de la réalité, acceptation du poncif: son travail interroge à répétition ces possibilités d’inscriptions. Plus clairement ? Quel est le personnage que je vais être, quelle pertinence mon visage quand je dirai que l’enfance a une couleur dominante, pour trois cinquièmes bleus et un peu rouges.
« bon sang, mais où dois-je me poser? J’essayais de comprendre où je me situais dans tout cela. Donc je faisais beaucoup d’autoportraits. » Britanny Tucker
Le monde de l’art et sa place dedans, Britanny Tucker l’a longtemps regardé par le filtre de sa maman. Elle est artiste et elle peint beaucoup de portraits. expression la plus aboutie à son sens de la peinture. Britanny a peu fréquenté les musées, mais beaucoup l’atelier de sa mère. Et un jour elle a commencé à se représenter avec cette question assez récurrente: « bon sang, mais où dois-je me poser? J’essayais de comprendre où je me situais dans tout cela. Donc je faisais beaucoup d’autoportraits. » Et c’est là que la question va surgir.
« J’essayais de me connecter à l’histoire et de comprendre comment j’occupe un certain espace dans la société – passé et présent. Je sais que j’occupe un certain espace physiquement – je suis évidemment en vie. Mais il y a aussi les autres espaces que j’occupe en tant que femme noire, en tant que femme queer noire. Brittany Tucker. Oops! » dit-elle dans une interview au magazine LA Curate.

Fille d’artiste, dont on attend autre chose que des peintures « avec des griffonnages de BD » sic, jeune fille devenue femme et qui doit payer le prix de ce passage, jeune artiste dans un monde de l’art, dans un espace américain White, d’une femme qui ne peut aimer vraiment comme elle le veut, queer et black, et descendante de l’esclavage, parce qu’on en revient là. A ce personnage blanc avec lequel elle parle dans ce bar, et qui restera toujours une menace.
« Dreamer », Britanny Tucker jusqu’ au 26 avril, DWDS, Bregenz (Autriche)
https://dwds.info/
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos: Dr et DWDS, remerciements.
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