Un an après sa disparition… Difficile de débuter cet article autrement, tant l’injustice est flagrante. La mort et les hommes sont de fichus enfoirés. Ils oublient à une vitesse record, et de préférence les choses importantes. Le 30 décembre 2019, Joseph Pollitt écrivait dans un blog hautement confidentiel, combien il était choqué par la disparation d’Alex da Silva. Il admirait autant ses toiles que l’œuvre sculptée. En 2012, Alex s’était vu confier la réalisation du mémorial pour les 150 ans de l’abolition de l’esclavage. Le monument s’appelle « Clave ». Il est à l’entrée du port une balise essentielle. Au pied de la sculpture, rappelle Joseph Pollitt, « des mots sont écrits au pochoir, « Het lichaam dat slaaf is vertrekt de ziel die vrij is blijft » (Le corps de l’esclave est pris mais leur esprit reste à jamais libre), tiré d’un chant traditionnel du Cap Vert, « Morna » ». La liberté.

Joseph le dit tout au long de son écrit, elle est permanente dans l’œuvre peinte. D’ailleurs il avait quitté son île natale, pour la Hollande et l’institut de peinture Willem de Kooning, dans cette seule perspective. Sao Vicente, un peu trop étroite, à 19 ans et qu’on veut devenir marin. Ces mots ont tous leur importance au moment de découvrir la peinture de Da Silva. Willem de Kooning, la liberté, la mer, le message aussi qui transmet une humanité constante. Dans les gestes, dans les textes écrits sur la toile, dans les positions des corps, tout appelle à la vie. Da Silva explose de sens, de questions, et ce n’est pas un hasard si certaines des dernières toiles ont la parenté d’un carnet. Il semble y prendre des notes, poser des esquisses de couleurs et de visages, des possibilités d’espace, et dans de longues phrases, interroger sa vie.

Corps agenouillés ou corps dansants, les membres étirés, le torse qui résonne, frappé d’écume ou de lumière. La liberté.
On voudrait tant que cette œuvre et le parcours qui l’a construite, nourrissent à présent un peu de mémoire. Impossible de mettre la main sur un début de biographie, des titres répertoriés, le travail tout simplement. A l’autre bout de l’Europe, Joe Pollitt pourrait conduire ces recherches. Il y songeait, à son retour de Sao Vincente. Sur son blog, quelques lignes. Parti voir sa famille, ses amis, ramasser des coquillages et les poser devant la porte de « Zero Point Gallery », ouverte en 2008. La nuit, il en sortait de la musique, des danseurs couraient dans le ciel. Alex peignait « le Rêve ». Dans une de ses dernières lettres, il écrit l’avoir trouvé. C’était quelques mois avant que… Les tableaux d’Alex da Silva doivent contenir une partie de la réponse. Certains corps y sont prisonniers et d’autres découvrent la liberté. Corps agenouillés ou corps dansants, les membres étirés, le torse qui résonne, frappé d’écume ou de lumière. La liberté.

Roger Calmé (ZO mag’)
Photos DR et Zero point Gallery
A lire aussi: l’article de Joe Pollitt sur le mémorial de Rotterdam « The Clave ».
https://translate.google.com/translate?hl=fr&sl=en&u=http://joepollitt.blogspot.com/2015/01/slave-monument-in-netherlands.html&prev=search&pto=aue
Laisser un commentaire