L’instant d’avant, ce visage, qui semble être celui d’une jeune femme, vous regarde. Et maintenant il crie. C’est à dire que toute entière, cette figure crie. Ses yeux, sa bouche, la chevelure, et l’air tout autour d’elle, et ses mains que l’on ne voit pas. Elle crie, sans que la colère apparaisse, seulement pour se faire entendre. La peinture de Kando est à l’image de ce portrait, dans l’expression totale qui affecte chacune des particules de la toile. C’est un sentiment assez considérable qui peut participer du refus, de l’invitation, de l’affirmation, voire de l’humour. Elle crie et on l’entend.
Originaire de la RDC, où il a d’ailleurs fait ses études d’art (Kinshasa), le peintre est aujourd’hui au Canada et le registre de son travail s’est considérablement enrichi. Les situations qu’il aborde sont plus complexes d’une part. Elles parlent de cette inévitable hybridité des cultures. Africain bien sûr, mais immergé dans un système de valeurs et de codes très différents, « je m’inspire des œuvres occidentales du passé pour les associer aux éléments de la culture congolaise et inventer ainsi de nouvelles expressions, explique-t-il de façon sage, alors que son travail évoque plutôt des percussions permanentes, un mouvement incessant et fortement déstabilisateur. La première impression inspire un chaos en construction. Chaos, parce que la déconstruction est visible. Construction, parce que les valeurs universelles transparaissent en filigrane. Le respect, la maternité, l’empathie, la résilience sont à portée de ce cri.
C’est à dire que toute entière, cette figure crie. Ses yeux, sa bouche, la chevelure, et l’air tout autour d’elle, et ses mains que l’on ne voit pas.
L’exposition M’ké donne l’occasion de mieux comprendre la place que la femme occupe dans ce bouleversement des lignes, entre cultures, temporalités, rôles subis et conquis. Le tableau « Umbrella », peint en 2020 permet de bien illustrer le propos. « Je me suis inspiré d’une œuvre de Bouguereau. Il s’agit donc d’une interprétation de l’iconographie chrétienne où la femme est assise dans une position hiératique (…), avec un air de tranquillité, entourée de plusieurs enfants, symboles de sa responsabilité. Ce qui contraste avec le désordre ambiant. D’où une corrélation importante entre la place maternelle et le rôle déterminant de la transmission. »
Le tableau pourrait n’être qu’une illustration assez conventionnelle d’une certaine place sociétale. Le choix de Bouguereau et de cette œuvre typique du 19 ème, immensément moralisateur, va dans ce sens. Et puis, il y a la peinture…

Dans les rares interviews qu’il a pu donner, Kando dit volontiers son attachement à Willem de Kooning et le mouvement américain de l’action painting. Il parle « de la brutalité de ce geste, et le résultat qui laisse beaucoup de place à l’inattendu. » C’est ce dynamisme qu il recherche, dans « Umbrella » et toutes ces autres toiles. De mélanger les médiums, d’associer les peintures, la formalité émotionnelle de la photo, participe à une quête de liberté. Et la représentation de la femme prolonge évidemment le propos, « selon une perspective historique, féministe et anthropologique. » Bougereau doit se retourner dans sa tombe !

Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : ©Kando
L’artiste est représentée par la galerie Kub’Art (Québec)
Contact : Tél. : +1 43 82 26 5615
Mail : ykwete@kubart.gallery
Principales expositions :
2020 : Nigra Iuventa, Fonderie Darling, Montréal (Canada).
2020 : Mosaic, Musée des Beaux-Arts du Québec, Québec, Canada
2019 : D’Après Picasso, Espace Mushagalusa, Montréal.
2018 : Artch, art contemporain émergent, Montréal.
2017 : Centre Culturel de l’Université de Sherbrooke, MHNUS, Sherbrooke (Canada).
2016 : Art du style, Complexe Les Ailes de la Mode, Montréal.
2015 : Afropop, Espace Mushagalusa, Montréal.
2009 : Dimension plurielle, Centre culturel Wallonie-Bruxelles, Kinshasa (RDC).
Résidences et prix
2018 : Résidence de création, Festival Afropolitain Nomade, Dakar(Sénégal).
2018 : Gala Dynastie, nomination, catégorie arts visuels, Montréal (Canada).
2016 : Gala Inspiration OPCC, nomination, prix culture, Montréal.
2013 : Lauréat du concours ART ICI, Newad (Canada).
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