Ne pas se méprendre. Si les dimensions sont à ce point considérables, c’est par respect du rang et du rôle qu’elle tient. Assez discret dans ses mots, peu enclin aux volumes sonores, Mamadou Ballo développe une sculpture monumentale toute consacrée à la Femme. Majuscule obligée, au regard de l’importance symbolique et nourricière qu’il lui reconnaît. Considérable ! Et la voilà dans cet ensemble de figures triomphantes, anatomiquement irréprochables, qui danse, qui allaite, qui donne la vie et le rythme. Une femme-terre, parce que c’est aussi de ça qu’il s’agit. Celle qui porte et qui fait grandir. « Elle nous donne tout ce dont on a besoin pour vivre, c’est notre mère », répète-il souvent.



L’espace du dehors et la matrice nourricière, faits de la même pâte, mouillés de la même pluie.
,
En juin dernier, la galerie Eureka (Abidjan) lui avait ouvert grandes ses portes. Et cette fois encore, la première impression tenait à cette monumentale présence. Ses Femmes sont des affirmations grandioses, mais en y regardant de plus près, on découvre un très grand travail de plasticien. L’usage des journaux, du tissu, sans doute de différentes fibres végétales associées au plâtre et à la pâte à papier, confère un vécu puissant à ces corps. Ce ne sont pas uniquement des formes, mais des concentrés d’histoires, récupérées au travers de cette ville qui sort de son ventre. L’espace du dehors et la matrice nourricière, faits de la même pâte, mouillés de la même pluie.
Déjà présent à la Biennale de Ouagadougou en 2019, Mamadou sera certainement pour l’édition 2021. Disons que la présence est doublement importante. Mamadou tient aujourd’hui une place de sculpteur incontesté, mais il accompagne, il monte des expositions et des résidences. En juin dernier, s’est ouvert le premier séjour à Bonoua (CI). Dion Banda (peinture), Gbahi Rachelle Flaure Blé (plasticienne), Zoro Zipa (graffeur), ont pu bénéficier d’un lieu ouvert, généreux, où la création peut s’affranchir pour partie des contraintes matérielles. Ce sont ces mêmes principes de générosité que sa sculpture défend, belle et ronde, sphérique et féconde.
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos DR et ©Mamadou Ballo
Contact : https://www.facebook.com/mamadou.ballo.77
« J’aime le jaune, physiquement, je trouve que c’est nécessaire et … ça me me fait du bien de peindre ces choses-là. » Mamadou Ballo.

ET BALLO EST EMBALLE…
Vertus thérapeutiques, disait-il, il y a quelques jours. Surpris dans l’atelier, en discussion avec une fille tout à fait exceptionnelle, belle et lumineuse, étalée, courbe comme une colline. La chaleur aidant et la complicité du propos aussi, elle était très à son aise. Mamadou me regardait du coin de l’oeil, bougre de croco, la prunelle vive et la lèvre gourmande. On s’expliquera aisément la satisfaction qui était la sienne.
Sur cette chair complice, s’étalait un rayon de miel, une coulure d’or, le ruissellement de mille tournesols. « J’aime le jaune, physiquement, je trouve que c’est nécessaire et … » Il s’interrompt une seconde, parce qu’il y avait la couleur, mais aussi ce paysage féminin sur lequel il s’attardait. La mamelle, mon garçon, la mamelle et le fessier ! semblait-il dire, à longueur de toile. Et si on lui demandait de dire le fond du fond : « Ça me fait du bien de peindre ces choses. »
Mamadou Dallo a entamé cette série, il y a une dizaine de jours, comme s’il ouvrait les volets, un matin, et que la vie lui vienne aux yeux dans toute sa clarté. Jaune. Envie soudaine de joie, d’une légèreté parfaite, bourdonnement joyeux, musique qui vient du ciel… ou de chez la voisine. Rudement belle, la voisine ! Accoudée au balcon, elle déborde de bonheur et de chair. Elle est tout en ballons et Ballo est emballé.
,

Jaune / Femmes (série), huile sur papier, 0, 21 x 0,30 m (2021).
RC (ZO mag’)
Photo : M. Ballo
Laisser un commentaire