Étonnante planète quand même. Il y a deux ans, à la même époque, tout le monde parlait de Lina Iris Viktor. Sujet hautement médiatique ! Le très hollywoodien studio Marvel venait d’utiliser (sans son consentement) une œuvre de la plasticienne, dans le clip du film Black Panther. Scandale. L’artiste venait de sortir une série intitulée « Constellations ». Le travail a fait l’objet d’une grande attention, mais paradoxalement le vacarme médiatique qui a suivi a totalement éclipsé ses recherches picturales.
« Tout au long de l’histoire, les forces d’hommes noirs isolés étincellent çà et là comme des comètes », William Edward Burghardt Du Bois, Les âmes du peuple noir.
Pourtant, il y aurait beaucoup à dire de cette femme, issue de la diaspora du Liberia, qui a grandi entre l’Afrique, Londres et les States. Une part importante de son travail est d’ailleurs consacrée à ce thème de l’éclatement. Le récit qu’elle écrit au fil des tableaux évoque une explosion cosmique, à lire au deuxième degré. Sous une forme légendaire où intervient la couleur noire (continent africain), l’or (matière extraterrestre et dispersée elle aussi), et surtout cette affirmation permanente de la magnificence noire. L’œuvre de Lina Iris est une contre-affirmation aux théories occidentales qui associent la couleur noire et le deuil, l’obscurité, l’ignorance et les cendres froides.
En 2017, celle que les critiques ont appelée « la Guerrière de l’imaginaire », présentait à Londres sa première expo solo, « Black Exodus », premier volet d’une série consacrée au noir et au corps féminin. « L’ombre d’un passé noir grandiose traverse les contes de l’Ethiopie ténébreuse et de l’Egypte du Sphinx. Tout au long de l’histoire, les forces d’hommes noirs isolés étincellent çà et là comme des comètes, », citait à ce sujet la critique Julie Aubry-Tirel (*).
Présenté à la Fotografiska de Talinn depuis le 25 septembre, « Dark Testament » s’inscrit dans cette même perspective, proximité sublimissime de la feuille 24 carats et du corps noir. Il serait fautif ici de ne pas employer le superlatif. La figuration emprunte au langage du divin en permanence. Cette femme représentée a fonction de déesse. Comme le disait sa galeriste, Mariane Ibrahim, l’idée de l’artiste est de présenter une esthétique « belle, africaine, noire et provocatrice ». Lors de son exposition de l’Amory Show (New-York), les panneaux (2 m de haut) apparaissaient derrière des dentelles de bois précieux. Masquées et mystérieuses, l’apparition fugace d’une puissance éternelle.
Ce n’est donc pas un hasard si l’artiste a choisi de faire figurer à nouveau dans son installation Materia Prima (2016): le « travail mère » qui a inspiré la série Dark Continent. Pour lui trouver une fois encore le cadre qui convient, une niche d’or discrète a été aménagée. Le mystère fonctionne pleinement, de la même manière que dans une peinture baroque, pareillement habillée d’or. C’est de cette façon que l’histoire doit se lire… disaient les Catholiques !

Roger Calmé (ZO mag’
Photos : DR et ©Lina Iris Viktor
(*) http://www.iam-africa.com/fr/lina-iris-viktor-guerriere-de-limaginaire/
Merci, c’est incroyable toutes et tous ces artistes, cette culture que je découvre sur votre site, très bonne journée
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