Des liens, des fils de fer, des entraves de bois, et des visages de femme hors cadre. Anonymat perpétré. La chair est maintenue, immobile, dans des positions qui sont la « normalité ». Assise, debout, en attente, nue et contrainte. Anastasie Langu Lawinner a choisi de parler de l’histoire. Voilà un vaste sujet, comme le serait un camp de travail, à l’entrée d’une forêt sombre. L’histoire des peuples, et en focus, la longue errance des femmes. Cette violence dont elles sont victimes, Anastasie Langu la met en image. Femmes noires, filles d’esclaves, femmes réduites à la liberté de la consommation, femmes dans le rôle que la société consent et oblige. Femmes et hommes précipités dans une acculturation croissante. Car c’est bien de ça qu’il s’agit, en Afrique, comme dans les steppes de Sibérie ou les forêts amazoniennes…. Briser l’humain, sa langue, ses croyances, ses liens à la terre.
Est-ce que le regard porté sur une photographie peut participer d’une thérapie ? Regarder, c’est aussi se voir, suppose à longueur d’expositions cette jeune photographe. Capter la violence d’un sujet, c’est ressentir dans sa propre chair les échos qui se réveillent. C’est mettre des noms sur le crime.
Comment refermer ces cicatrices ? Les images qu’elles montrent depuis le Dak’Art off de 2018, participent au processus. Kigali (Festival afropolitain nomade, 2020), Leipzig (Les voix de Kinshasa, encadrées par Freddy Tsimba et Eddy Ekete), Femmes africaines (Marrakech, 2020) ont multiplié les séances de mémoire. Le tableau se recompose. Plan par plan. Les visages ressortent de l’ombre.
La blessure est spirituelle, autant que physique. La photographe touche au domaine immédiat de la vie, à la faim, au déplacement et à l’appauvrissement permanent des populations. Mais elle évoque aussi l’amputation mentale. Dans ces immenses coups de pelleteuses, excavatrices en tous genres, hurlement des contremaîtres, l’histoire répète la mutilation. Ses clichés évoquent alors les corps anciens, lumières vitales qui dirigeaient nos bateaux-vies. Ces ossements enfouis et brisés qui sont ceux des Anciens. Totems placés à l’entrée des grandes ténèbres. Cette mémoire détruite, nous resteront des insectes errants.

Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : © Anastasie Langu Lawinner
Présent à la Kub’Art, (Québec)
Contact : Tél. : +1 43 82 26 5615
Mail : ykwete@kubart.gallery
Merci beaucoup pour cette découverte du travail de madame Anastasie Langu Lawinner, ce que je vois me touche au plus profond, si vous la voyez, si vous le pouvez, dites-lui que sa voix et son regard ont porté au-delà des mers et que je garde en mémoire son nom, car un jour je pourrai voir son travail de mes yeux voir, très bonne journée
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