Dans le monde de Fatima Mazmouz, on peut jouer avec les couteaux. Ça peut ressembler à une fête foraine, une super-réalité peinte sur panneau de bois. Parfois, il y a des hommes historiques qui passent. Un roi, un guerrier, un écrivain, des héros incontestés. Et quand on s’approche de très près… l’image se compose d’une multitude de femmes nues et enceintes, des femmes qui dansent, des femmes qui chantent. Des femmes qui tiennent une place autre que celle que l’histoire leur attribue. des femmes en recouvrance d’identité. Et ces femmes, c’est Fatima Mazmouz.
Percussion frontale. Un corps (de femme) lancé à la vitesse de 60 km/h quitte la gare de Casablanca à 17h 06. Dans un même temps, une seconde femme prend l’escalier de son immeuble, à Mantes-la-Jolie. L’ascenseur est en panne, il est 17 h 30. Si les deux corps progressent à leur vitesse initiale, quand se croiseront-ils ? Quand le monde accouchera-t-il d’autres rôles, d’autres positions, d’autres scénarios que la marge et l’obscurité? Partie de Casa, une femme réécrit son histoire.
Quand le monde accouchera-t-il de ce merveilleux enfant blond aux yeux bridés et répondant au nom de Fatima M., super héroïne ou plutôt Super Oum, comme le dit l’une de ses séries.
Le multiculturalisme (que c’est long à écrire, à penser, à intégrer) nourrit pour partie le travail de la plasticienne marocaine, arrivée en France quelques mois après sa naissance. Et pas n’importe où, dans cette cité collage qui compose un paysage (très) particulier. Son père tient une épicerie et lui offre, comme elle le dit, « le premier laboratoire humain qui (me) permet de prendre conscience des enjeux de domination propre aux représentations de l’Autre (clichés, stéréotypes, caricatures). » L’épicerie du coin, à regarder comme un film ! Et puisque cette université l’inspire, pourquoi donc choisir autre chose que l’art, cette marmite chaude bouillante où toutes les histoires mijotent.
Dans son travail le plus récent, et dans lequel l’ironie reste permanente, Fatima Mazmouz s’intéresse donc au corps féminin. Il y a un an, au moment de son exposition « Monts et mères veillent » (galerie 127), elle présentait le quatrième opus de cette réflexion sur l’identité. Le « corps pansant » tourné vers la maternité avait précédé deux autres volets sur le « corps rompu », l’avortement, et le « corps colonial », avec ses portraits des héros (masculins) de l’Indépendance. Puis venait ce quatrième chapitre, le « corps magique ».

Dans une interview à « Femmes du Maroc », elle l’expliquait ainsi : « Ce dernier travail explore l’univers féminin et poétique en lien avec la nature, via l’univers du bestiaire (le coq et le sanglier). » Une vision combattante, où il s’agit de déconstruire la place généralement attribuée aux femmes. Où le pouvoir se reconquiert grâce à la connaissance et à la magie, puisque cette dernière est une arme largement utilisée dans les combats de l’ombre et de la lumière. Et de tout ça, Fatima M. parle avec le plus grand sourire, puisqu’elle dispose des gris-gris nécessaires. Sur l’une de ses images, la voilà attachée au drap de couleur rouge, face à l’invisible lanceur de couteaux. Aucune lame ne l’atteint. Peu importe qu’elle montre un sein et se présente en culotte. Fatima est à l’épreuve des balles. Fatima est une super Oum.

Roger Calmé (ZO Mag’)
Photos : ©Fatima Mazmouz
Katharsis, actuellement à l’Espace Lally, 31, rue du Septembre, Béziers.
Tél. : 06 16 67 44 15
Laisser un commentaire