Quand il se déplace d’un endroit à un autre, l’homme laisse des traces, souvent infimes, de son passage. Ou alors, c’est le contraire. Le paysage, les rues abandonnent en lui des restes de vie. On regarde et on voit bien qu’il est venu par là et qu’il est reparti par ici. Il y a une bière abandonnée sur la table, un papier froissé avec une adresse. Un moment, Gopal Dagnogo a peint ces vestiges du déplacement.
C’est une grande particularité que ce peintre tient de se déplacer en permanence. Rien ne s’arrête, juste la toile qui pose des points, avant que le regard ne l’emmène plus loin. Gopal Dagnogo a beaucoup voyagé. Il doit y avoir des choses dans sa maison profonde, tout à l’intérieur, qui disent Abidjan et puis son arrivée en France, et puis son retour en Afrique, mais aussi le moment du métal, de la guerre et de la sculpture. Le moment de Dieu aussi, parce que nous avons des croyances nécessaires dans certaines maisons de nous, et la lumière entre dans ces lieux d’une certaine façon.
Il y a quelques jours, OH Gallery (Dakar) partageait un mur virtuel entre lui et Aliou Diack. Voilà deux hommes qui froissent les mêmes herbes, qui ont regardé bien des choses et livrent des toiles tellement différentes. Cette complémentarité est nourricière. L’un entre dans les ténèbres, et cette chute mille fois répétée est un écho à la lumière mythologique du second. Cette fois, Gopal traite de personnages échappés d’un « bestiaire » humain et sacré. Ce sont des saints peut-être, ou des guerriers, ils tiennent des poses, ils portent les cicatrices d’un combat mystique. Mais où Aliou explore en profondeur le gouffre, Gopal ramène ces corps à la lumière. Complémentaires.
Il faut une sacrée palette pour aller dans ces régions. La sienne évoque un ciel lavé par la pluie, presque un ciel nordique, à cause du voyage peut-être. Et puis il y a le trait, d’une grande concision, qui souligne un corps, qui trace un horizon. Juste un instant. C’est ainsi, toute cette précision qui vient avec la mélancolie. Le lendemain d’un combat. Quand la mer s’en va au bout de l’horizon et que l’on entend encore ses immenses rouleaux.

Roger Calmé (ABA mag’)
Photos :© Oh gallery et Gopal Dagnogo
https://www.ohgallery.net/
Gopal Dagnogo partageait avec Aliou Diack, l’espace virtuel de la galerie à Abou Dhabi Art Fair, jusqu’au 27 nov.
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