Kenya / Olivia Mae Pendergast / INSIDE OF AFRICA

Figurative. C’est à dire au plus près du visage, dans la proximité du quotidien, de la lumière et du mouvement. Une femme debout, peut-être songeuse, qui attend, les mains sur son ventre. Debout dans la clarté totale et verticale. Il n’y a aucune part anecdotique. C’est le visage d’une attente, patiente.

Olivia Mae Pendergast peint dans cet espace intime, visible et non voilé par la périphérie. Un jour, cette Américaine est venue au Malawi, en 2008. C’était une jeune peintre issue d’une prestigieuse école (Columbus College of Art and Design) et qui exposait depuis 1999. Un temps, elle a même travaillé dans l’industrie du cinéma. Un autre monde ? L’Afrique lui a simplement suggéré d’autres places, une notion de l’engagement aussi. La responsabilité de sa propre vie, sourit-elle, et ce n’est pas seulement l’environnement physique dont il s’agit, mais de sa propre trajectoire. Il n’existe plus de sécurité au sens où les Occidentaux l’entendent. Il reste des décisions qui sont presque toujours fondamentales. Il y a dans cette compréhension des gens, et du paysage, et de sa propre trajectoire, une écoute particulière. L’empathie et le respect d’un cadre immense.

Depuis ce moment et son installation finale au Kenya, Olivia Mae Pendergast peint ces visages « ordinaires » et irremplaçables. Sa dernière expo à Nairobi, « Facing Change » (One Off Fine Art Gallery, 2020) parle toute entière de ces hommes et de ces femmes, entrevus sur un trottoir, dans l’espace du regard. On dit que le président Uhuru Kenyatta a acquis plusieurs de ses travaux. Les politiciens ont aussi besoin de ces retours à la réalité. A Barcelone, Sorella Acosta l’accompagne également, convaincue par l’extrême humanité de ces toiles. Elle souligne encore cette humanité qui fixe la couleur et la fait intensément vibrer. A la fois existentielle et poétique.

Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : remerciements à Out of Africa Gallery (Barcelone). et collection O. Pendergast
Contact : http://outofafricagallery.com/en/home

Un tableau… FIN D’APRES-MIDI A KIBERA
Dans de nombreuses toiles, Olivia Pendergast travaille avec des proches. De les fréquenter au quotidien, permet de rendre l’humanité, la précision d’une attitude, et souvent du sentiment qui va avec. Des jeunes filles dans l’attente, une mère inquiète, un chat qui profite du rayon de soleil… Et cet homme ? Oui ce grand type assis, au pied d’un mur, qui fume sa cigarette et profite de la fin du jour. Ses mains, sa carcasse, la tranquillité du regard aussi, suggèrent un travailleur.

« Quand les photos ont été faites, un homme est venu vers moi. (…) il voulait aussi une photo, simplement que je lui fasse son portrait. » »

Ce jour-là… Olivia devait faire des photos à Kibera, un bidonville de Nairobi, plus précisément dans une fabrique de fourneaux, Burn Manufacturing. C’était une journée assez merveilleuse. « Partout où je regardais, il y avait de la beauté. L’éclairage passant par la porte, les chatons contre le poêle pour se réchauffer, les enfants… J’ai passé quelques heures à prendre des photos de différentes personnes dans l’entreprise. Au moment de partir dans l’après-midi, une femme est venue et m’a demandé si je pouvais venir photographier ses enfants et j’ai accepté. »

Des gosses dans une maison de planche et de tôles, des regards de femmes encore, d’autres locataires dans leur vie quotidienne. « Quand les photos ont été faites, un homme est venu vers moi. Ils étaient plusieurs devant la maison. Je me sentais nerveuse parce que jusqu’ici je n’avais vu que des femmes. Il a commencé à me parler en swahili… Je ne savais pas ce qu’il me disait, en tous cas, il m’empêchait de passer. Puis la femme m’a expliqué qu’il voulait aussi une photo, simplement que je lui fasse son portrait. »

Sur la toile, on le devine à peine, l’homme qui fume est assis sur un pneu. « Il prenait la pose très sérieusement, comme un vrai professionnel. C’est lui qui m’avait choisie. Je suis repassée dans la semaine donner les clichés, et une femme l’a reconnu. Lui, je ne l’ai jamais revu. »

Dans cette peinture, venue plus tard, Olivia invite l’invisible. C’est la fin du jour, à Kibera, l’homme doit avoir le soleil dans les yeux. Des épinards sauvages ou de l’hibiscus poussent contre le mur de la maison en semi-dur. Sans doute, faudra-t-il changer bientôt quelques planches sous la fenêtre. Un homme, la fin du jour, des bruits qui viennent de l’intérieur, le miaulement d’un chat peut-être. La peinture s’inscrit dans le prolongement de l’image, dont elle est d’une certaine façon la confidente.

 » Man Smoking Cigarette  » 0, 90 x 0, 90 m. Huile sur toile
RC (ZO mag’) Photos : remerciements à Out of Africa Gallery (Barcelone).

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