Au commencement, ce sont des ocres, de la terre brûlée qui colle aux visages et aux murs des maisons. Une poussière première, une majuscule, posée par le vent et la pluie. Cette couleur que l’on emporte quand on quitte son village.
Sur ses premières toiles, qui datent d’une trentaine d’années, Olga Yaméogo parlait déjà de ce mouvement obligé. Le départ se répète en permanence. Il faut plonger dans ces ombres violentes, comme elle les peint en 2002. Des corps accrochés dans l’immense lumière, des toiles traversées de lignes barbelées. C’est d’exil qu’il est question et d’arrachement. De cette vision qui revient la nuit, par les songes et les peintures.



Dans un film que lui consacre RFI (2019), Olga Yaméogo laisse entendre son passage tardif à la peinture, « comme une nécessité de se bâtir différemment. » Peindre participe d’une liberté qu’elle s’autorise. La liberté de se (re)trouver aussi une place entre la terre d’ici, à Ouaga, et celle de là-bas, dans les vibrations bleutées de la plaine toulousaine. Chacune a ses époques et chacune ses sentiments. A la toile maintenant de les traduire.
Au fil des années, le sentiment trouve d’autres résonances. Pourtant, les thématiques restent les mêmes. A savoir ce déplacement auquel les hommes sont obligés. Les années 2005-2010 sont celles de la migration. Forcée, interdite, maudite, résolue… L’une de ses dernières séries, « Partir (2014-2015) » est à cette image. Groupes en mouvement, lenteur des gestes, fatigue immense, lumière mélancolique. L’Afrique est loin désormais. On songe aux plaines immenses de l’Europe centrale. Mêmes foules, mêmes misères en mouvement. « Parce que la terre est semblable, dit-elle, la pauvreté est identique, ici ou là-bas.»

Au commencement… et aujourd’hui encore, la peinture d’Olga Yaméogo parle donc avec constance du déplacement. Mais elle ancre désormais dans cette masse d’histoire, l’individu, le singulier, l’âme passante. Les visages ont recommencé à se dessiner. Ils se cherchent, les traits embués. Et de façon plus nette, le sentiment leur revient.
C’est une chose tellement fragile. Les années 2010 et 2015 la voient s’attarder à des souvenirs intimes. Le regard d’une jeune fille, peut-être l’image que conserve sa mère, la pose que prend un petit garçon… Ce sont des fins d’après-midis dans la lumière qui se souvient. Les ocres reviennent encore, des touches de sienne, des clartés aussi au travers d’un invisible rideau. L’Afrique est juste de l’autre côté. On entend le rire d’un enfant et la part de l’insouciance. Terre promise, terre retrouvée.
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos: Olga Yaméogo
Un tableau … LE SOUVENIR DE TOI
C’est un après-midi, au début d’un hiver. Il fait une lumière indécise, on ne sait si le gris le prendra sur une maigre clarté. Vous êtes assis(e) dans une cuisine et regardez par la fenêtre les arbres qui se dénudent. La buée sur la vitre rend l’image incertaine. Vous vous rappelez de cette même fenêtre, hier, bien des années plus tôt, du visage de la jeune fille, votre propre enfant, vous même.

Olga Yameogo est une peintre qui parle peu. On sait qu’elle cultive un jardin, des fleurs, des souvenirs. Des gens, des inconnus posent des mots sur ses peintures. Ils disent que c’est le métissage, que c’est la terre lointaine du Burkina-Faso… Ils disent que la terre de l’exil tient toute la toile. Qui sait. Olga est venue tardivement à l’atelier. Elle se cachait de la peinture, elle n’osait pas le dire. Et puis, elle a ouvert ce livre. C’est une lecture passionnante. Qui rassemble le temps par couleurs.
Disons qu’il s’agit d’une hypothèse. Il y a cette jeune fille que l’on voit s’éloigner. Vous l’avez tellement aimée. Elle était dans chaque pas de votre vie, elle était et reste votre enfant. Sur la toile, il y a l’innocence de ce temps que vous viviez avec elle. Ce regard est celui d’une envie de vivre, sans oser le dire. C’est un tableau merveilleux qui dit l’espoir et le temps qui passe, et le souvenir de toi, mon enfant.
RC (ABA mag’)
Photo : DR
Contact : https://www.facebook.com/profile.php?id=100009028992611
Biographie
Née le 25 mars 1966 à Ouagadougou (Burkina Faso). A fréquenté l’école de Coulouba. Après les cours, jouait avec ses amis derrière le terrain d’aviation.
Venue en France en 1983.
Professionnel
Art thérapie (Bordeaux), éducatrice spécialisée, formation introductive en ethnopsychiatrie, centre Georges Devereux (Paris) .
Exposition principales
1999 / Espace Saint Jérôme (collective), Toulouse.
2003 / Africajarc, Cajarc.
2004 /Musée des Arts derniers, Paris.
2008 / Prix Senghor(collective), Musée de la Poste et musée du Montparnasse
2012 / Paroles indigo, Espace Van Gogh, Arles.
2012 / Art en vrac, Salies-de-Béarn.
2015 / L’Art pour la paix, UNESCO (collective) 2018 / Paroles indigo Espace Van Gogh, Arles
2020 / AWA / African Women Artists (collective), Art-Z, Paris
J’aime sa peinture, elle me parle….
J’aimeJ’aime