Porto-Rico / Amaryllis DeJesus Moleski / UN ARC-EN-CIEL AU-DESSUS D’UNE TOMBE

D’abord, il y a son nom. Il est apaisant de le lire. La sonorité est à l’image d’une fleur, dans des teintes délicates, des prémices de lumière. Et ça tombe sacrément bien, puis Amyrillys DeJesus Moleski parle de la mort. Ne relâchez pas votre attention. La mort n’est pas la même selon le point de vue géographique. Nous sommes dans les Caraïbes. Comme au Mexique ou en Haïti, elle est un grand voyage. Des aurores se déploient par dessus le corps. L’arc-en-ciel dépose un voile entre la chair et le ciel. Amaryllis parle de ce déplacement… et l’embrouille ensuite de mille autres lumières.

Pour bien comprendre, petit retour à l’enfance. Elle le dit, sa jeunesse a été nomade, entre la côte est et le Middle west ricain. Déménagements perpétuels (quatorze en 16 ans) et fondations décalées. Elle qui bougeait sans arrêt, définit la bibliothèque, dans chaque ville, comme un sanctuaire. Elle lit et elle regarde les images.

« Je me suis nourrie de fantastique et de mythologie. Quand mon père était en prison, il me faisait parvenir des petits dessins que ses copains de cellule faisaient. J’ai adoré cette nourriture visuelle, et puis, à la maison, le « Seigneur des anneaux », « Narnia Chronicles » et « Kindred. » Ensuite, à l’infini de redessiner ces mondes et la possibilité d’aimer.. Le meilleur des mondes. Puis un jour, c’est son univers qu’elle raconte. Sa façon de refaire l’histoire prend maintenant toutes les libertés, à commencer par celle du genre. Liberté de voir la beauté où elle n’avait pas le droit d’être, liberté d’aimer le corps de cette femme noire, souriante, absente de toute contrainte et d’une rondeur absolue. D’ailleurs, cette femme est Dieu, ou bien Dieu lui a-t-il donné les clés.

 » Je me suis nourrie de fantastique et de mythologie. Quand mon père était en prison, il me faisait parvenir des petits dessins que ses copains de cellule faisaient. J’ai adoré cette nourriture visuelle » DeJesus Moleski

Amaryllys DeJesus redistribue graphiquement les rôles. Et ne dites pas que la mort est triste. Elle participe à un déménagement de plus. Elle précède la découverte d’un autre sanctuaire, d’une autre bibliothèque. Des femmes en sont gardiennes, nues et chatoyantes, elles flottent en ballons de couleurs, aux yeux de la jeune fille rêveuse.

Les tableaux exposés à Turin (Galerie Luce), et qui se regroupent sous ce titre énigmatique « Dit l’arc-en-ciel à la tombe », proposent juste une relecture lesbienne de notre vieille histoire. « 𝘈 𝘲𝘶𝘰𝘪 𝘳𝘦𝘴𝘴𝘦𝘮𝘣𝘭𝘦𝘳𝘢𝘪𝘦𝘯𝘵 𝘯𝘰𝘴 𝘷𝘪𝘦𝘴 𝘴𝘪 𝘯𝘰𝘶𝘴 𝘩𝘦́𝘳𝘪𝘵𝘪𝘰𝘯𝘴 𝘥’𝘶𝘯𝘦 𝘨𝘦𝘯𝘦̀𝘴𝘦 𝘥𝘪𝘧𝘧𝘦́𝘳𝘦𝘯𝘵𝘦? 𝘌𝘵 𝘴𝘪 𝘯𝘰𝘶𝘴 𝘩𝘦́𝘳𝘪𝘵𝘪𝘰𝘯𝘴 𝘥’𝘶𝘯𝘦 𝘨𝘦𝘯𝘦̀𝘴𝘦 𝘧𝘭𝘢𝘮𝘣𝘰𝘺𝘢𝘯𝘵𝘦 𝘣𝘳𝘶𝘺𝘢𝘯𝘵𝘦 𝘦𝘵 𝘦́𝘱𝘢𝘪𝘴𝘴𝘦, 𝘯𝘰𝘪𝘳𝘦 𝘦𝘵 𝘣𝘳𝘶𝘯𝘦, 𝘧𝘦𝘮𝘮𝘦 𝘵𝘦𝘳𝘳𝘦𝘴𝘵𝘳𝘦? » En somme de redessiner la vie et la mort, les couleurs, l’amour, dans l’ordre que l’on veut. Un arc-en-ciel au-dessus d’une tombe.

Roger Calmé (ABA mag’)
Photos : ©Amaryllis DeJesus Moleski
Jusqu’au 4 déc. à la galerie Luce (Turin, Italie)
https://www.lucegallery.com/

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