France / Cameroun / Claudie Poinsard / DE RIEN OU PRESQUE

𝙐𝙣𝙚 𝙘𝙤𝙣𝙫𝙚𝙧𝙨𝙖𝙩𝙞𝙤𝙣 𝙚𝙣𝙩𝙧𝙚 𝙡𝙚 𝙙𝙚𝙙𝙖𝙣𝙨 𝙚𝙩 𝙡𝙚 𝙙𝙚𝙝𝙤𝙧𝙨 𝙙𝙚𝙨 𝙘𝙝𝙤𝙨𝙚𝙨, 𝙙𝙞𝙩-𝙚𝙡𝙡𝙚. 𝘾𝙡𝙖𝙪𝙙𝙞𝙚 𝙋𝙤𝙞𝙣𝙨𝙖𝙧𝙙 𝙥𝙚𝙞𝙣𝙩 𝙡’𝙞𝙣𝙛𝙞𝙣𝙞𝙚 𝙛𝙧𝙖𝙜𝙞𝙡𝙞𝙩𝙚́ 𝙙𝙚 𝙡’𝙞𝙣𝙨𝙩𝙖𝙣𝙩. 𝙀𝙡𝙡𝙚 𝙣’𝙖𝙧𝙧𝙚̂𝙩𝙚 𝙥𝙖𝙨 𝙡𝙚 𝙩𝙚𝙢𝙥𝙨, 𝙚𝙡𝙡𝙚 𝙨𝙚 𝙡𝙖𝙞𝙨𝙨𝙚 𝙟𝙪𝙨𝙩𝙚 𝙨𝙪𝙧𝙥𝙧𝙚𝙣𝙙𝙧𝙚. 𝙀𝙭𝙥𝙤𝙨𝙞𝙩𝙞𝙤𝙣 (𝙫𝙞𝙧𝙩𝙪𝙚𝙡𝙡𝙚) 𝙖̀ 𝙇𝙖𝙜𝙤𝙨.

« 𝘈𝘱𝘢𝘵𝘳𝘪𝘥𝘦. 𝘑’𝘢𝘱𝘱𝘢𝘳𝘵𝘪𝘦𝘯𝘴 𝘢̀ 𝘤𝘦𝘵𝘵𝘦 𝘦𝘴𝘱𝘦̀𝘤𝘦 𝘪𝘯𝘥𝘦́𝘧𝘪𝘯𝘪𝘦… 𝘍𝘭𝘰𝘵𝘵𝘢𝘯𝘵𝘦… 𝘔𝘦́𝘵𝘪𝘴𝘴𝘦 𝘍𝘳𝘢𝘯𝘤𝘰-𝘊𝘢𝘮𝘦𝘳𝘰𝘶𝘯𝘢𝘪𝘴𝘦, 𝘫’𝘢𝘪 𝘲𝘶𝘪𝘵𝘵𝘦́ 𝘭𝘦 𝘊𝘢𝘮𝘦𝘳𝘰𝘶𝘯 𝘢̀ 𝘭’𝘢̂𝘨𝘦 𝘥𝘦 𝘵𝘳𝘰𝘪𝘴 𝘢𝘯𝘴, 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘯𝘦 𝘭𝘦 𝘳𝘦𝘵𝘳𝘰𝘶𝘷𝘦𝘳 𝘲𝘶𝘦 𝘣𝘪𝘦𝘯 𝘥𝘦𝘴 𝘢𝘯𝘯𝘦́𝘦𝘴 𝘱𝘭𝘶𝘴 𝘵𝘢𝘳𝘥. 𝘑𝘦 𝘮𝘦 𝘷𝘰𝘪𝘴 𝘦𝘯𝘤𝘰𝘳𝘦 𝘴𝘶𝘳 𝘶𝘯 𝘣𝘢𝘵𝘦𝘢𝘶 𝘪𝘮𝘮𝘦𝘯𝘴𝘦 𝘲𝘶𝘪 𝘮’𝘦𝘮𝘮𝘦𝘯𝘢𝘪𝘵 𝘦𝘯 𝘍𝘳𝘢𝘯𝘤𝘦, 𝘭’𝘢𝘶𝘵𝘳𝘦 𝘳𝘪𝘷𝘦 𝘥𝘦 𝘮𝘢 𝘯𝘰𝘶𝘷𝘦𝘭𝘭𝘦 𝘪𝘥𝘦𝘯𝘵𝘪𝘵𝘦́. » On trouve ces quelques lignes sur son site. Une sorte de lieu confidentiel, d’une intimité intraduisible. Claudie Poinsard habite l’improbable réalité, à quelques centimètres de ce que l’on croit, de ce que le commun d’entre nous imagine, dans cette folie qui est la certitude, l’acquis, le définitif. Elle veut ignorer ces mots. Sur les tableaux, ce sont des fragmentations, des éclats, de l’infiniment fragile, captés entre deux reflets, entre la surface et la temporaire profondeur.

C’est rare d’entendre une peintre parler ainsi de son travail. « 𝘓𝘢 𝘱𝘦𝘪𝘯𝘵𝘶𝘳𝘦 𝘴’𝘦𝘴𝘵 𝘪𝘮𝘱𝘰𝘴𝘦́𝘦 𝘢̀ 𝘮𝘰𝘪 𝘤𝘰𝘮𝘮𝘦 𝘶𝘯 𝘱𝘰𝘪𝘯𝘵 𝘥’𝘢𝘯𝘤𝘳𝘢𝘨𝘦 (…), 𝘶𝘯 𝘭𝘪𝘦𝘶 𝘥’𝘦́𝘷𝘢𝘴𝘪𝘰𝘯. » Dans un courrier, elle parle aussi de cette dissolution qui vient au bout de son pinceau. Elle évoque un lieu silencieux où le dessin pallie l’absence. Dans ses ratures, ses hésitations, ses retours, le trait trace d’hypothétiques chemins, tandis que la couleur inaugure le foisonnement. Vous pensez alors à cette porte ouverte qui laisse entrer le jour.

« 𝘜𝘯 𝘤𝘰𝘳𝘱𝘴 𝘪𝘯𝘵𝘪𝘮𝘦 𝘴𝘰𝘶𝘮𝘪𝘴 𝘢̀ 𝘭’𝘶𝘴𝘶𝘳𝘦 𝘥𝘶 𝘵𝘦𝘮𝘱𝘴. 𝘜𝘯 𝘤𝘰𝘳𝘱𝘴 𝘲𝘶𝘪 𝘴𝘢𝘯𝘴 𝘤𝘦𝘴𝘴𝘦 𝘦́𝘤𝘩𝘢𝘱𝘱𝘦. 𝘜𝘯 𝘤𝘰𝘳𝘱𝘴 𝘲𝘶𝘪 𝘷𝘢 𝘢̀ 𝘭𝘢 𝘳𝘦𝘯𝘤𝘰𝘯𝘵𝘳𝘦 𝘥𝘦 𝘭’𝘢𝘶𝘵𝘳𝘦. 𝘜𝘯 𝘤𝘰𝘳𝘱𝘴 𝘲𝘶𝘪 𝘪𝘯𝘤𝘢𝘳𝘯𝘦 𝘭𝘦 𝘮𝘰𝘯𝘥𝘦… »

***Figuration fragile de ces visages penchés, de ces vies qui hésitent.***

Et si la toile était cette seconde peau, ce deuxième corps ? Une liberté entrevue qui l’ont suppose encore possible, imaginable. De retenir l’éphémère (dit-elle), parce qu’il n’existe déjà plus, qu’il a disparu dans la profondeur lointaine de l’oeil, ou de la mémoire, ou de l’indifférence. La peinture est pour partie dans ces bagages que Claudie Poinsard ouvre et referme. Demain elle remonte sur le bateau, elle rentre au Cameroun, elle ne veut rien oublier.

Sur les toiles que la galerie MAM (Douala) expose à Lagos, ce sont des corps de femmes qu’elle montre. Un temps, Claudie était venue dans l’abstrait, chercher quelques affaires, et elle est repartie à la figuration fragile de ces visages penchés, de ces vies qui hésitent. « 𝘜𝘯 𝘤𝘰𝘳𝘱𝘴 𝘪𝘯𝘵𝘪𝘮𝘦 𝘴𝘰𝘶𝘮𝘪𝘴 𝘢̀ 𝘭’𝘶𝘴𝘶𝘳𝘦 𝘥𝘶 𝘵𝘦𝘮𝘱𝘴. 𝘜𝘯 𝘤𝘰𝘳𝘱𝘴 𝘲𝘶𝘪 𝘴𝘢𝘯𝘴 𝘤𝘦𝘴𝘴𝘦 𝘦́𝘤𝘩𝘢𝘱𝘱𝘦. 𝘜𝘯 𝘤𝘰𝘳𝘱𝘴 𝘲𝘶𝘪 𝘷𝘢 𝘢̀ 𝘭𝘢 𝘳𝘦𝘯𝘤𝘰𝘯𝘵𝘳𝘦 𝘥𝘦 𝘭’𝘢𝘶𝘵𝘳𝘦. 𝘜𝘯 𝘤𝘰𝘳𝘱𝘴 𝘲𝘶𝘪 𝘪𝘯𝘤𝘢𝘳𝘯𝘦 𝘭𝘦 𝘮𝘰𝘯𝘥𝘦… » On pense à certains tableaux de Degas (l’angle) ou de Lautrec (sans cynisme). La maîtrise ? Mais non, c’est bien plus que ça. Deux femmes, assises côte à côte, qui pensent à leur vie, une jeune fille qui sourit dans une conversation au téléphone, c’est tellement vrai, ça dure une seconde, la porte s’est déjà refermée. La lumière s’éteint.