Dans cet homme suspendu, un ressort est cassé. C’est visible, le bras et le buste pendouillent. On peut supposer que c’est une tige de fer, un crochet, qui se sont détachés dans le corps. On en ignore la raison. Le type est là, arrêté en plein milieu. Ça pourrait être à l’intérieur d’une armoire, ou au beau milieu d’une place. Il est immobile. Il ne fonctionne plus.
Au travers de ses dernières œuvres, Boniface Maina figure des situations d’inspiration mécanique qui sont, ni plus ni moins, les conséquences de la vie. L’histoire est pleine de ces chaos, de ces violences, qui laissent l’homme en morceaux, partiellement paralysé, inapte au mouvement. Le travail présenté à la Circle Art gallery s’inscrit dans cet esprit. Ça s’appelle « Regarder, attendre et souhaiter ». Fataliste et glacial. En 2013, Boniface Maina et ses camarades d’atelier David Thuku et Michel Musyoka, ont fondé le collectif d’artistes « Brush Tu ». Dans cette collaboration de l’esprit, les trois jeunes artistes s’attachent à examiner notre comportement face aux aléas qui nous frappent.
Dans cette région des Grands Lacs, la guerre et la famine martyrisent les populations. Et c’est une source non négligeable d’inspiration pour Boniface. « 𝘖𝘯 𝘯𝘰𝘶𝘴 𝘥𝘪𝘵 𝘲𝘶𝘦 𝘭𝘢 𝘱𝘢𝘪𝘹 𝘦𝘴𝘵 𝘤𝘦 𝘲𝘶𝘪 𝘥𝘦́𝘤𝘰𝘶𝘭𝘦 𝘥𝘦 𝘭𝘢 𝘨𝘶𝘦𝘳𝘳𝘦, 𝘮𝘢𝘪𝘴 𝘤’𝘦𝘴𝘵 𝘶𝘯𝘦 𝘪𝘭𝘭𝘶𝘴𝘪𝘰𝘯. 𝘈𝘶 𝘭𝘪𝘦𝘶 𝘥𝘦 𝘤𝘦𝘭𝘢, 𝘤𝘦 𝘲𝘶𝘪 𝘴𝘶𝘪𝘵 𝘦𝘴𝘵 𝘶𝘯 𝘦́𝘵𝘢𝘵 𝘥𝘦 𝘴𝘰𝘶𝘧𝘧𝘳𝘢𝘯𝘤𝘦 𝘱𝘴𝘺𝘤𝘩𝘰𝘭𝘰𝘨𝘪𝘲𝘶𝘦 𝘦𝘵 𝘱𝘩𝘺𝘴𝘪𝘲𝘶𝘦 𝘲𝘶𝘪 𝘱𝘦𝘶𝘵 𝘱𝘳𝘦𝘯𝘥𝘳𝘦 𝘥𝘦𝘴 𝘨𝘦́𝘯𝘦́𝘳𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯𝘴 𝘢̀ 𝘴𝘶𝘳𝘮𝘰𝘯𝘵𝘦𝘳 », confiait-il à l’ouverture de l’exposition à Nairobi. Destruction partielle donc. A l’image de ces maisons dont il reste des pans de murs et dont on peut voir les intérieurs éventrés, les toiles actuelles s’apparentent à un constat clinique. Rien de surréaliste, aucun dérèglement des sens, juste l’exposé traumatique des dommages. Et parfois, posé sur un canapé, un personnage, dont le visage est incertain, blessé, comme retourné. Un homme qui attend.
Roger Calmé (ABA mag’)
Photos : © Boniface Maina
Jusqu’au 18 nov. 2020 à la Circle Art Gallery, Nairobi (Kenya)
circleartagency.com
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