Les voisins se rappellent encore de lui. Un monsieur discret, très calme et attentif. Jusqu’en 2016, Maurice Bidilou a tenu le studio photographique, dans le quartier du Grand Marché, à Pointe Noire. Une rue populaire, près de la mosquée et du cinéma Rex, qui est devenu aujourd’hui une église. Emmanuèle Béthery voulait le rencontrer.
« 𝘓𝘦 𝘵𝘦𝘮𝘱𝘴 𝘦́𝘵𝘢𝘪𝘵 𝘱𝘢𝘴𝘴𝘦́, 𝘮𝘢𝘪𝘴 𝘭𝘦𝘴 𝘨𝘦𝘯𝘴 𝘱𝘢𝘳𝘭𝘢𝘪𝘦𝘯𝘵 𝘵𝘰𝘶𝘫𝘰𝘶𝘳𝘴 𝘥𝘦 𝘭𝘶𝘪… » Malgré toutes ces saisons de pluie, malgré la dureté de la vie. Au final, Emmanuèle a retrouvé l’adresse. A six kilomètres de là, il habite aujourd’hui une maison en semi-dur, un grand désordre de planches, de boîtes Kodak, de souvenirs. Il y a un an, elle est venue lui rendre visite.
En 2016, cette spécialiste de l’art a vécu dans la ville. Elle connaît le chemin, mais elle dit « 𝘢𝘷𝘰𝘪𝘳 𝘦𝘶 𝘱𝘦𝘶𝘳 𝘥𝘦 𝘯𝘦 𝘱𝘢𝘴 𝘭𝘦 𝘵𝘳𝘰𝘶𝘷𝘦𝘳. 𝘊’𝘦́𝘵𝘢𝘪𝘵 𝘷𝘳𝘢𝘪𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘪𝘮𝘱𝘰𝘳𝘵𝘢𝘯𝘵 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘮𝘰𝘪, 𝘤𝘦𝘵 𝘩𝘰𝘮𝘮𝘦, 𝘤𝘦𝘵𝘵𝘦 𝘩𝘪𝘴𝘵𝘰𝘪𝘳𝘦 𝘥𝘦 𝘗𝘰𝘪𝘯𝘵𝘦-𝘕𝘰𝘪𝘳𝘦, 𝘥𝘢𝘯𝘴 𝘭𝘦𝘴 𝘢𝘯𝘯𝘦́𝘦𝘴 80. 𝘌𝘵 𝘱𝘶𝘪𝘴 𝘭𝘦𝘴 𝘤𝘩𝘰𝘴𝘦𝘴 𝘴𝘦 𝘴𝘰𝘯𝘵 𝘧𝘢𝘪𝘵𝘦𝘴, 𝘪𝘭 𝘮’𝘢 𝘰𝘶𝘷𝘦𝘳𝘵 𝘴𝘦𝘴 𝘱𝘭𝘢𝘤𝘢𝘳𝘥𝘴. » Une cinquantaine de ces boîtes jaunes et des milliers de négatifs, souvent rongés par l’humidité, d’autres qu’il fallait restaurer… En tous cas un incontournable regard sur ce pan d’histoire populaire.
𝘌𝘵 𝘤𝘦 𝘳𝘦𝘨𝘢𝘳𝘥 𝘲𝘶’𝘪𝘭 𝘱𝘰𝘳𝘵𝘦, 𝘤’𝘦𝘴𝘵 𝘩𝘶𝘮𝘢𝘪𝘯, 𝘪𝘭 𝘯’𝘺 𝘢 𝘫𝘢𝘮𝘢𝘪𝘴 𝘥𝘦 𝘫𝘶𝘨𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵. 𝘓𝘦𝘴 𝘨𝘦𝘯𝘴 𝘢𝘪𝘮𝘢𝘪𝘦𝘯𝘵 𝘲𝘶’𝘪𝘭 𝘭𝘦𝘴 𝘱𝘩𝘰𝘵𝘰𝘨𝘳𝘢𝘱𝘩𝘪𝘦𝘯𝘵 », Emmanuèle Béthery.
« 𝘘𝘶𝘢𝘯𝘥 𝘪𝘭 𝘴’𝘦𝘴𝘵 𝘦́𝘵𝘢𝘣𝘭𝘪 𝘢̀ 𝘗𝘰𝘪𝘯𝘵𝘦 𝘕𝘰𝘪𝘳𝘦, 𝘗𝘦𝘭𝘭𝘰𝘴𝘩 𝘷𝘦𝘯𝘢𝘪𝘵 𝘥𝘶 𝘮𝘢𝘴𝘴𝘪𝘧 𝘥𝘦 𝘔𝘢𝘺𝘰𝘮𝘣𝘦́. 𝘈𝘷𝘦𝘤 𝘴𝘦𝘴 𝘦́𝘤𝘰𝘯𝘰𝘮𝘪𝘦𝘴, 𝘪𝘭 𝘴’𝘦́𝘵𝘢𝘪𝘵 𝘢𝘤𝘩𝘦𝘵𝘦́ 𝘶𝘯 𝘠𝘢𝘴𝘩𝘪𝘤𝘢 6𝘹6 𝘦𝘵 𝘧𝘢𝘪𝘴𝘢𝘪𝘵 𝘭𝘦 𝘱𝘩𝘰𝘵𝘰𝘨𝘳𝘢𝘱𝘩𝘦 𝘢𝘮𝘣𝘶𝘭𝘢𝘯𝘵. 𝘊’𝘦𝘴𝘵 𝘤𝘰𝘮𝘮𝘦 𝘤̧𝘢 𝘲𝘶’𝘪𝘭 𝘰𝘶𝘷𝘳𝘦 𝘦𝘯 𝘥𝘦́𝘤𝘦𝘮𝘣𝘳𝘦 1973 𝘴𝘰𝘯 𝘴𝘵𝘶𝘥𝘪𝘰, 𝘵𝘰𝘶𝘵 𝘱𝘳𝘦̀𝘴 𝘥𝘶 𝘎𝘳𝘢𝘯𝘥 𝘔𝘢𝘳𝘤𝘩𝘦́. » Comme Sidibé ou Mama Casset, comme Koutjina et Roger da Silva, il tire le portrait des familles, les jeunes mariés, le petit gars qui s’en va sous les drapeaux.
«𝘓𝘦 𝘴𝘰𝘪𝘳, 𝘪𝘭 𝘧𝘳𝘦́𝘲𝘶𝘦𝘯𝘵𝘢𝘪𝘵 𝘭𝘦𝘴 𝘣𝘢𝘭𝘴. 𝘐𝘭 𝘦́𝘵𝘢𝘪𝘵 𝘱𝘳𝘦́𝘴𝘦𝘯𝘵 𝘥𝘦 𝘱𝘢𝘳𝘵𝘰𝘶𝘵, 𝘵𝘰𝘶𝘫𝘰𝘶𝘳𝘴 𝘥𝘪𝘴𝘱𝘰𝘯𝘪𝘣𝘭𝘦. 𝘌𝘵 𝘤𝘦 𝘳𝘦𝘨𝘢𝘳𝘥 𝘲𝘶’𝘪𝘭 𝘱𝘰𝘳𝘵𝘦, 𝘤’𝘦𝘴𝘵 𝘩𝘶𝘮𝘢𝘪𝘯, 𝘪𝘭 𝘯’𝘺 𝘢 𝘫𝘢𝘮𝘢𝘪𝘴 𝘥𝘦 𝘫𝘶𝘨𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵. 𝘓𝘦𝘴 𝘨𝘦𝘯𝘴 𝘢𝘪𝘮𝘢𝘪𝘦𝘯𝘵 𝘲𝘶’𝘪𝘭 𝘭𝘦𝘴 𝘱𝘩𝘰𝘵𝘰𝘨𝘳𝘢𝘱𝘩𝘪𝘦𝘯𝘵 », explique Emmanuèle Béthery. Le regard. Des couples qui se bécotent, des garçons qui boivent la bière à la rigolade, des filles si mignonnes…
Dans cette (très belle) exposition, la première consacrée au photographe, c’est aussi la ville de Mabanckou qui revient. Fantaisiste, excessive, les bastringues joyeux, l’insouciance de la sape et du lendemain qui va sourire. A cette image, Pellosh s’est accroché. Il a vu doucement péricliter le commerce, l’arrivée du numérique, les studios qui n’avaient plus d’utilité. Sans amertume, parce que c’est ainsi que les choses vont.
En 2016, il a dû se résoudre à baisser le rideau. « 𝘈 𝘤𝘦𝘵𝘵𝘦 𝘦́𝘱𝘰𝘲𝘶𝘦, 𝘪𝘭 est devenu 𝘪𝘮𝘱𝘰𝘴𝘴𝘪𝘣𝘭𝘦 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘭𝘶𝘪 𝘥𝘦 𝘵𝘳𝘰𝘶𝘷𝘦𝘳 𝘥𝘶 𝘳𝘦́𝘷𝘦́𝘭𝘢𝘵𝘦𝘶𝘳 𝘦𝘵 𝘥𝘶 𝘱𝘢𝘱𝘪𝘦𝘳 𝘤𝘰𝘮𝘮𝘦 𝘪𝘭 𝘢𝘪𝘮𝘢𝘪𝘵. 𝘐𝘭 𝘦́𝘵𝘢𝘪𝘵 𝘧𝘰𝘳𝘤𝘦́ 𝘥’𝘢𝘳𝘳𝘦̂𝘵𝘦𝘳. » A 70 ans, Pellosh a déménagé à la périphérie de la ville. Il vit dans cette petite maison et ce désordre des souvenirs. Des boîtes Kodak, soleils jaunes, et les éléments du décor autour de lui.

Exposition du 30 nov. Au 6 déc. (ouv. De 11 à 20h) Espace Beaurepaire, 28 rue Beaurepaire, 75010 Paris.Renseignements : E. Béthery (0033) +6 81 67 51 82
Roger Calmé (ABA mag’)
Photos : ©PelloshAvec l’aimable autorisation de Mme Emmanuèle Béthery, organisatrice de l’exposition.