Il y a plus de vingt ans… En 1996, dans le numéro 18 de la « Revue Noire », un coup de projecteur est donné sur la jeune création béninoise. Le lecteur y découvre alors les bidons récupérés de Romuald Hazoumé. Sous les gestes du créateur, ces contenants sont devenus des masques, des figures mythologiques, échappées d’un songe industriel et carnavalesque. Éminences magiques bien sûr, puisque nous sommes en terre du vodoun. Romuald Hazoumé se livre à un formidable remix de la culture locale et de l’occupation post-coloniale. Ses bidons sont pleins à ras-bord de sens et de détournement critique.
C’est à cette époque qu’André Magnin l’a croisé. Il évoque alors un jeune artiste d’origine Yoruba, qui a grandi entre les influences animistes, les langues multiples (yoruba, fon, mahi, adja…) et une famille catholique. Il est à la fois détenteur de la culture des 𝘢𝘳𝘦𝘴, artistes itinérants du temps des royaumes, et un enfant de ce siècle, installé dans la Peugeot qu’il utilise comme ready-made, son coffre arrière chargé des emblématiques bidons.
L’œuvre va ainsi traverser plus de 20 ans, dans des déclinaisons toujours surprenantes. La galerie Gagosian (New-York) s’y est largement intéressée et lui consacrait en octobre 2018 une large rétrospective. Cette même année, la Fondation Louis Vuitton avait acquis l’étonnante « Exit Ball », planisphère pétrolière et sans doute trafiquante, dont on ne sait plus si elle est un poison ou une nécessité, comme il le souligne. Et encore ces masques, dans des associations quasi rituelles, épines de porc-épic, nattes nouées, végétations de wax, qui racontent aussi nos vies quotidiennes. En fait, la sculpture d’Hazoumé parle un commun langage. Les choses sont ainsi, dans un métissage obligé. Il n’exclue jamais une culture, pour en ré-installer une autre. Quitte parfois à aller à contre sens des polémiques.
…un enfant de ce siècle, installé dans la Peugeot qu’il utilise comme ready-made, son coffre arrière chargé des emblématiques bidons.
Il y a deux ans la restitution des œuvres d’art au Bénin l’ont vu saluer l’importance de la politique culturelle française. Il dénonce alors les gouvernements africains incapables de mesurer l’importance de leur propre histoire. Même chose en 2015, où il s’oppose violemment à Sindika Dokolo qui voulait partir en guerre contre les musées occidentaux. A cela il oppose la nécessité de culture et conseille au milliardaire angolais d’investir dans des fondations africaines, au lieu de briller en Europe.
Romuald Hazoumé est à Nantes, jusqu’au 11 novembre. Et c’est pas du bidon. On reverra une fois encore ses masques. L’occasion de dire qu’en 2018, à New-York, ses derniers créations comme Oiseau bleu (Bluebird, 2018), Algoma (2016) évoquaient les communautés amérindiennes ou la communauté musulmane birmane des réfugiés rohingyas. Il ne s’agit pas seulement de l’Afrique, mais de l’humanité entière, dans sa folie de destruction. Les bidons contiennent tous les mêmes poisons !

Jusqu’au 11 nov. Au château des Ducs de Bretagne, 4 place Marc Elder, 44000 Nantes.
RC (ABA mag’)
Photos DR.
Remerciements à la galerie Magnin-A
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